Entretien
enregistré le dimanche 08 décembre 2013 dans
l'après-midi sur le plateau du JT. Mylène
était en effet en concert à Bercy ce
soir-là
et ne pouvait donc être présente en direct sur le
plateau du JT de 20 heures.
Laurent Delahousse : Il
est l'heure de retrouver maintenant notre invitée. Il y
aurait une règle qui voudrait aujourd'hui qu'un artiste qui
n'occcupe pas l'espace médiatique prendrait un
énorme risque. Elle a fait un autre choix, celui de la
discrétion. Elle est d'ailleurs peut-être la seule
en France qui puisse se le permettre à ce point. Le silence,
et puis, hier soir, après quatre ans d'absence sur
scène, ça s'est passé comme
ça.
Diffusion
d'images du concert à Bercy le 07 septembre (À force de...,
Oui mais... Non,
Sans
contrefaçon).
Laurent Delahousse :
Mylène Farmer a entamé hier soir Timeless sa
série de concerts à Bercy avant sa
tournée. 450 000 spectateurs attendus d'ici
décembre. Elle est avec nous ce soir. Bonsoir
Mylène Farmer.
Mylène
Farmer : Bonsoir.
Merci d'être
avec nous. Une première question toute simple: comment se
sont passées ces retrouvailles hier soir... apparemment
plutôt bien !
Très
émouvant pour moi.
Quatre ans, c'est long
pour eux, pour vous ?
C'est long
pour moi. Pour eux probablement, mais pour moi aussi , beaucoup.
Il y a ce paradoxe
toujours chez vous. Cette attente, ce silence. Et puis,
incandescence hier soir encore sur scène. Je vous
ai sentie très, très libre...
C'est
probablement le moment effectivement où j'ai un vrai
sentiment de liberté. Pas d'entraves, pas de..., pas de
tabous. Rien. Liberté.
La scène et le
lit sont toujours les deux endroits que vous
préférez au monde ?
Ecoutez,
oui, en ce sens que la scène il y a beaucoup plus de
personnes ; le lit, beaucoup moins ! (sourire) Mais, les deux, c'est
une manière de se dénuder, d'être
à nu...
L'abandon ?
... et c'est
l'amour aussi.
Une forme d'abandon aussi
?
Et, une
forme d'abandon, bien sûr.
Il y a toujours des
surprises, des moments un peu fort. Il y a ces robots qui sont
présents, différents
théâtres, différentes scènes
et... Tout ça, ça a demandé combien de
temps ?
Ecoutez, je
peux parler de mon entraînement physique qui n'est pas la
réponse à la question posée mais c'est
près de six mois. Et, ça fait à peu
près un an que nous travaillons sur ce spectacle avec
Laurent Boutonnat qui travaille à mes
côtés. Et, il y a tellement, tellement, tellement
de métiers tout autour. Aussi bien les lumières,
les chorégraphies, etc, etc.
Le diable est toujours
dans le détail...
Et, le
diable est dans le détail. Il faut veiller. C'est pour
ça qu'on est obligés de travailler, travailler,
de ressasser et, pour enfin trouver une liberté et une...
(Mylène hésite, cherche ses mots, ndlr) et une
liberté ! (rire)
Et il n'y a rien de
diabolique en vous ?
Non. Non. Je
ne le pense pas.
On ne le croit pas. On va
maintenant revenir en images sur cette histoire. La vôtre.
Celle d'une artiste à part, qui fait figure d'exception.
Reportage et quelques témoignages avec Christophe Airaud. On
se retrouve juste après.
Diffusion du
reportage avec des images du concert de la veille à Bercy (À force de...,
Oui mais... Non,
Sans
contrefaçon) des images d'archives et des
interviews de fans, de Bertrand Dicale chroniqueur à France
Info et de Thierry Suc.
Mylène Farmer
est avec nous. Et, quatre ans après, les places de concerts
se sont une nouvelle fois vendues en quelques heures. C'est une
histoire assez incroyable cette histoire d'amour avec eux, avec ce
public.
C'est une
fidélité mais qui est réciproque. La
mienne aussi.
Vous l'avez entretenue
cette fidélité sans jamais les trahir.
Trahison,
non. Je ne sais pas si on entretient une
fidélité. En tout cas, c'est quelque chose qui
m'est offert. Et, j'en suis consciente et j'en suis heureuse.
L'absence de promotion
aujourd'hui dans votre univers, c'est presque, je dirais pas
anachronique mais hors du temps. C'est un choix que vous avez fait.
Votre maison de disques, vos producteurs n'ont jamais
été angoissés par cette
idée de ne pas trop apparaître ?
Non, parce
que c'est une nature profonde donc ce n'est pas un exercice que je
travaille, là. Et, il y a respect aussi bien de la part de
ma maison de disques que de mon entourage. Et quant à cette
discrétion, je pense que malheureusement aujourd'hui les
temps sont à la parole trop facile, facilement
prononcée. Tout va trop vite et il n'y a plus la place pour
la réflexion et moi, j'ai besoin de
réfléchir.
Ce choix de la
discrétion ça n'a jamais
été une prison pour vous ?
Non. Non.
C'est, une fois de plus ma nature profonde. Ça suscite
beaucoup de commentaires (sourire), beaucoup d'agressivité
parfois...
Oui. Parce que ce
silence, ça alimente toujours les fantasmes, les
contre-vérités. Certaines d'entre elles qui ont
été racontées vous ont
blessées ?
Je suis
faite de chair et de fang... (Mylène rit de son erreur de
prononciation qu'elle répète puis se reprend,
ndlr) de fang... de sang ! Donc, forcément
blessée. Mais, habituée aussi.
Certaines vous ont fait
rire ?
Bien
sûr ! Je dors dans un cercueil, ça me fait
toujours rire.
On a
déjà une information ce soir (rire de
Mylène), vous ne dormez donc pas dans un cercueil !
Finalement, vous avez beaucoup de choses à cacher ?
La
climatisation du cercueil ! (rire)
La climatisation du
cercueil ! C'est une idée... (rire) Quel est le trait de
caractère dont vous êtres finalement le plus
fière ?
(Mylène
hésite). La fidélité. (sourire)
Et celui qui vous a le
plus troublée, le plus perturbée,
dérangée ?
Parfois, le
mal de vivre qui est envahissant. Donc, c'est une lutte de chaque
instant.
Vous êtes
née en colère. Vous ne l'êtes plus ?
Moins ?
Mon
anniversaire est le 12 septembre, je vous répondrai. (rire)
Est-ce que finalement
tous ces qualificatifs qu'il y a autour de vous : "solitaire",
"mystérieuse", "paradoxale", "provocatrice"... il y a un peu
de vrai dans tout ça ?
C'est le
propre d'une artiste, j'imagine. Mais, je suis faite de vie aussi.
Beaucoup.
Beaucoup de vie... Les
artistes qui prennent des risques ça devient assez rare
aujourd'hui. Est-ce que vous avez la sensation, aujourd'hui encore, en
faisant ces scènes-là, cette
tournée-là de prendre des risques ou c'est le
sens de l'histoire... de votre histoire ?
C'est
d'abord une nécessité sans prétention
aucune...
C'est un besoin ?
... C'est un besoin pour moi. C'est ma raison de vivre. Maintenant,
c'est une prise de risques. La prise de risques est celle d'un
désamour du public ou son contraire. Donc c'est un prise de
risques.
Votre amie Nathalie
Rheims dit que vous êtes à la fois Eros et
Thanatos, l'amour et la mort. Cela reste vos sources d'inspiration ?
Ce sont des
thèmes qui sont inépuisables mais j'en reviens
encore : il y a aussi la vie et je suis quelqu'un de vivant ! (rire)
Je le sais, bien ! Timeless, c'est le
titre de votre tournée. Il y a cette notion
d'intemporalité. C'est important de laisser une trace ?
Ça fait plus de vingt ans, maintenant que vous...
Non !
Non ?
Je ne sais
pas si c'est important ou non. En tout cas pour moi... dans 2 000 ans
qui va se soucier de ma personne (rire) et de mes mots et de ma
musique... Non, ce n'est pas important. C'est le moment
présent qui est important, c'est la scène et
c'est ce que je vis actuellement.
Ce n'est pas la
dernière fois qu'on vous verra sur scène ?
(sourire)
J'ai le sentiment que c'est toujours la dernière fois...
donc je ne sais pas répondre à cette question.
Vous irez donc ce soir
encore à Bercy et puis après en France et puis
après à l'étranger notamment en Russie
avec des stades... enfin, en tout cas près de 30 000
spectateurs. Ça vient d'où cette
histoire-là avec la Russie ? C'est une longue histoire aussi
?
Là
encore, je ne peux pas l'expliquer. Je pense que c'est venu, je vais
dire spontanément... On m'a beaucoup parlé au
début des clips à l'époque de Tristana qu'on
avait joué en langue russe justement. Et puis,
après je crois qu'il y a quelque chose de commun qui est
peut-être une âme, une âme
tourmentée... On dit l'âme slave. (sourire) Et,
j'avoue qu'ils m'accueillent merveilleusement. J'ai hâte d'y
aller.
Il y a ces paysages, ces
plaines enneigées que vous aimez beaucoup.
(Mylène acquiesce) Il n'y aura pas d'exil en Russie ? Vous
reviendrez ?
Non, parce
que l'exil s'est produit d'une façon différente
parce que je viens du Canada. Et, j'ai quitté les plaines
enneigées (petit rire) pour venir en France. Et, c'est mon
pays. Et, je l'aime.
Il n'y aura pas d'autre
exil ?
Non !
Merci d'être
venue nous rendre visite.
Merci
à vous.
Euh... Qu'est-ce qui est
le plus compliqué ? Faire Bercy ou venir faire une interview
comme ça sur un plateau ?
(Eclat de
rire) Vous connaissez la réponse !
Je connais un petit peu
la réponse. C'est pour ça que je vous remercie
encore plus d'être venue ce soir ici.
Merci
à vous. Merci.
Belle soirée
à vous. Bel abandon sur scène avec votre public
qui vous attend, je le sais, dans quelques minutes. Et, à
très bientôt. On vous retrouvera donc dans les
mois à venir un peu partout en France et puis
également à l'étranger. Merci
Mylène...
Merci
d'être venu aussi.
Mais c'était
un joli moment de vous voir sur scène. Et c'est un joli
moment pour les télespectateurs de vous avoir, vous le
savez, aussi sur ce plateau. C'est rare, mais pour eux c'est
important, également.
Merci.
Merci et à
très bientôt.
Merci.