Mylène Farmer
: (en
entrant) ... un divan de psychanalyste
Bertrand Delcour :
Commençons par le commencement.
Mylène Farmer : J'ai suivi des cours de
théâtre pendant deux
ans, et après j'ai rencontré deux personnes qui
ont écrit Maman
a tort, je suis rentrée en
studio, et cette chanson a très bien marché.
Bertrand Delcour : Chez
toi on a
vu un petit singe dans une cage. A côté il y a une
télévision sur un magnétoscope.
Qu'est-ce que tu préfères regarder ?
Mylène Farmer : Le singe qui vit.
Bertrand Delcour :
Même
pas tes clips ?
Mylène Farmer : Je déteste me regarder. On avance
quand on s'observe
mais le regard sur soi n'est pas le meilleur.
Bertrand Delcour : Tu te
moques
des parents avec Maman
a tort. Et avec Libertine tu dois
complètement terroriser le M.L.F. quand il écoute
les paroles.
Mylène Farmer : Hou là là ! Moi je
suis terrorisée
par ce mouvement là, alors...
Bertrand Delcour : Tu es
bien dans
ta peau ?
Mylène Farmer : Déjà pour faire ce
métier je pense
qu'il ne faut pas être très bien, mais je prends
énormément de plaisir à
chanter Libertine
par exemple.
Bertrand Delcour : Demain
c'est la
Saint Donatien, c'est la fête du Marquis de Sade. En plus,
cette nuit, c'est la pleine lune... Tu lis Sade ?
Mylène Farmer : J'ai lu en long, en large et en
travers Justine.
C'est assez
attirant, j'avoue.
Bertrand Delcour :
Puisque tu as
envie de faire du cinéma, on ne t’a pas
proposé de scénarii bien sombres qui changeraient
des productions actuelles ?
Mylène Farmer : Pour l'instant non. J'aimerais bien tourner
avec Roman Polanski.
Faire Le
locataire, ça m'aurait fait plaisir. (au
magnéto) Je n'aime pas cette petite machine...
Bertrand Delcour : C'est
un
piège.
Mylène Farmer : C'est un viol.
Bertrand Delcour : Heu...
en fait,
tu n'as pas l'air de trop t'intéresser à
la mode.
Mylène Farmer : Non, ça implique des connotations
ennuyeuses. Il y a des
époques, comme celle du libertinage, par exemple, qui sont
attirantes. Mais j'ai été programmée
pour 1986.
Yves Couprie : Tu te
sens bien entre Le Pen, Le Sida, Tchernobyl, Kadhafi, et toutes ces
choses ? Bertrand Delcour : La
question qui
tue !
Mylène Farmer : (Rires) Et vous ?!
Bertrand Delcour : Si on
te
proposait de participer à une Messe Noire tu accepterais ?
Mylène Farmer : Evidemment ! Il y a Vieux bouc
pour ça. Si j'avais une
scène à faire, j'utiliserais ce genre de chose.
Le
prochain clip Libertine
sera très beau. On va s'inspirer
de toute l'ambiance de Barry
Lyndon.
Yves Couprie : En classe,
tu
étais au fond ? Toute seule dans ton coin...
Mylène Farmer : J'ai eu cette période. Et puis
j'ai eu la
période révolutionnaire.
Bertrand Delcour :
... Marxiste ! Yves Couprie : Punk !
Mylène Farmer : (Rires) Non, non, non ! Du tout !
Ça s'est traduit d'une
autre façon.
Yves Couprie : Comment ?
Mylène Farmer : Oh... c'était un peu de
paranoïa, certainement.
A chaque réflexion de la maîtresse je me disais :
c'est pour moi. Et puis un refus de tout.
Yves Couprie :
Ça
ne s'est pas mal terminé ?
Mylène Farmer : Non, non. Toute mon adolescence je la
déteste.
Bertrand Delcour : On a
l'impression que tu as peur de tout.
Mylène Farmer : Je me méfie un peu. Et puis je
voudrais comprendre !
Yves Couprie : On sait
même pas quel âge tu as...
Mylène Farmer : J'ai 24 ans.
Yves Couprie : Qu'est-ce
que
tu as pu faire en 23 ans ? Avant de chanter...
Mylène Farmer : Heeuuu...
Bertrand Delcour : Et si
c'était à refaire, tu le referais ?
Mylène Farmer : Pendant 23 ans j'ai maudit ma maman de
m'avoir mis au monde, et
puis après je l'ai adorée. J'ai certainement
rêvé très longtemps.
Bertrand Delcour : Tu
rêvais à quoi ?
Mylène Farmer : C'est indiscret !
Bertrand Delcour : Tu
voulais
devenir roi de France ? Maître du monde ? Catin ?
Mylène Farmer : Catin certainement !
Bertrand Delcour : Quand
tu
chantes ça, c'est parce que c'est vrai !
Mylène Farmer : C'est de bonne guerre. Je suis la
prostituée du
show-bizness, et de beaucoup d'autres choses.
Bertrand Delcour :
Mylène FARMER, quel est le secret de ta réussite ?
Mylène Farmer : Je n'en sais rien ! (Rires) Qu'est-ce que
vous avez contre moi ?
Arrêtez ! (Re-rires)
Bertrand Delcour : Bon.
Quand tu
étais petite, tu savais que tu allais devenir ce que tu es ?
Mylène Farmer : De toute façon,
c'était ou ça, ou
dans un autre monde...
Bertrand Delcour :
...l'hôpital psychiatrique, tu n'y a jamais pensé ?
Mylène Farmer : Mon dieu ! Quelle image ils vont avoir de
moi. Vous avez bu ?
Bertrand Delcour : Donc
t'es pas
bien sur Terre ?
Mylène Farmer : Si si. Très bien.
Bertrand Delcour : On t'a
jamais
proposé des drogues ?
Mylène Farmer : Je n'ai jamais fait appel à
ça.
Yves Couprie : Alors
qu'est ce
que tu vas faire des royalties de Libertine ?
Mylène Farmer : Je m'achèterai un
château et j'y mettrai des
milliers de singes. Voilà !
Bertrand Delcour : Un
château du XVIIIè siècle.
Mylène Farmer : En Bavière, pour être
à
côté de mon ami Louis.
Yves Courprie et Bertrand
Delcour : ?
Mylène Farmer : Avec Gilles de Rais, Louis II est un des mes
personnages
préférés.
Bertrand Delcour : Il a
mal fini
Gilles de Rais. Mais lui au moins a sauvé son âme
à la fin parce qu'il s'était repenti. Si on te
proposait le repentir et la vie éternelle, tu accepterais de
renier ton personnage démoniaque ?
(Long silence flippant)
Mylène Farmer : C'est vous qui êtes
démoniaques !!
Bertrand Delcour :
Quelles
déclarations tu as à faire à la presse
française ?
Mylène Farmer : Ah… je n'ai rien à
leur dire. Je suis
heureuse d'être là. Et... tant pis pour eux.
Bertrand Delcour : Bon,
ben, on
peut couper ici ?
Mylène Farmer : (S'approchant dangereusement de la touche
STOP). Je peux avoir le
plaisir d'ARRETER CETTE MACHINE ?
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