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Mylène Farmer - Interview - Wit FM - 08 avril 1999






Wit FM : Mylène Farmer, bonjour.
Mylène Farmer : Bonjour.


Et, avant même la première question, j'ai envie de vous dire merci parce que c'est un grand privilège que de vous recevoir. Vous accordez peu d'interviews. On aura sans doute l'occasion d'en reparler un petit peu plus tard. Le seul ennui, c'est que j'ai à peu près 3212 questions à vous poser... (rires de Mylène) L'album Innamoramento est sorti depuis quelques jours...
Oui.


Je m'applique sur la prononciation. Pour ceux qui ne l'ont pas encore découvert, vous le définiriez comment ?
"Innamoramento" exprime le choc amoureux. Donc, j'ai tenté dans cet album de décliner l'amour dans son spectre le plus large. J'ai également été intéressée par ce mot parce que, à l'intérieur, il y a 'amour', il y a 'mort', autant de choses qui font partie du sentiment amoureux.


C'est vrai que c'est un titre un peu étrange. La première question qu'on se pose quand on découvre la pochette, c'est : "Ça veut dire quoi Innamoramento ." et donc...
Si on cherche bien, il y a...


C'est une contraction de l'italien, me semble-t-il ?
C'est un mot italien. Le mot correspondant dans la langue française, c'est le verbe s'énamourer, mais qu'on n'utilise plus, ou peu.


Vous travaillez avec la même équipe depuis le début de votre carrière ?
Oui.


Concrètement, vous fonctionnez comment dans le travail ?
Dans le travail ? Ecoutez, habituellement c'est la musique qui vient avant les mots. Parfois, je retravaille avec Laurent sur la mélodie de voix. Et puis, après, je me mets de mon côté, j'écris les textes et puis après nous allons en studio, et puis ça va progressivement.


L'écriture vient facilement ?
L'écriture parfois vient facilement et, parfois c'est difficile.


Qu'est ce qui vous inspire ? C'est la musique spécifique de Laurent ou ce sont des choses que vous vivez et que vous avez envie d'exprimer ?
Je crois que la musique est importante, elle est toujours à la... enfin, il me semble, quand on écoute une musique classique, elle va évoquer ou fait naître en vous des sentiments. Et là, j'y trouve un thème que j'ai envie d'exprimer. Parfois le texte, même s'il n'est pas écrit, en tout cas le thème, je l'ai en tête et je vais chercher sur quelle musique il sera mieux mis en valeur. Mais, c'est d'abord la musique et après l'écriture.


Vous écrivez autre chose que des chansons ?
Non. C'est parce que je ne m'autorise que la chanson pour m'exprimer.


La sortie d'un album, comme ça a été le cas il y a quelques jours, c'est un jour douloureux ? Ça vous angoisse ?
C'est plus angoissant que douloureux. Avec toujours l'idée du rejet, l'idée que l'autre ne va pas vous écouter ou avoir l'envie de vous écouter.


Avant la sortie, vous le faites écouter à des proches pour avoir déjà quelques premières réactions par rapport à tout le travail que vous venez d'effectuer ?
Pas réellement, puisque ces proches que vous évoquez, en général viennent en studio ; donc, j'allais dire, font partie presque intégrante de l'album, donc voient comment ça se construit et l'écoutent. Ils font bien évidemment leurs commentaires. Mais moi, spontanément après, faire des écoutes, non je ne le fais pas.


Et par la suite, vous êtes une artiste qui suit beaucoup les ventes ?
Ecoutez, je pourrais être très hypocrite et vous dire que ça ne m'intéresse pas mais, c'est après tout la révélation, le révélateur du nombre de personnes qui ont envie, là encore, de vous écouter. Donc, oui, bien sûr.


Mylène, on le disait en tout début d'interview : vous êtes rare dans les médias, on vous voit peu, on vous entend peu. Pourquoi ?
Parce que ce n'est pas un exercice qui m'est très facile et que j'ai du mal, et que je crois que je n'aime, dans le fond, pas beaucoup parler de moi-même.


C'est donc aussi une manière de vous protéger ?
Probablement, oui.


Ça vous permet également d'éviter tout ce qui est plus people. Parce que c'est vrai qu'on vous voit peu également dans la presse people...
Si ce n'est que le people se sert quand même de moi et dit bon nombre d'âneries. Mais c'est une forme, oui, sans doute de protection.


Vous surveillez ce qui est écrit sur vous, ce qui se dit ? Sans parler uniquement de la presse people. Ça peut être très bien une critique de l'album dans Libé.
Non, ça bien sûr que non, puisqu'on ne maîtrise absolument pas ce sujet-là. Si je donne une interview pour un journal, je demande à relire le papier. Mais, on ne vous fait relire que vos propres réponses et je trouve ça tout à fait légitime puisqu'on est - j'allais dire l'ensemble des artistes - extrêmement échaudés. Le propos est sans cesse changé, extrait et sorti de son contexte pour le remettre dans un autre. Donc, la reformulation parfois est tout à fait détestable. Donc c'est vrai que je demande de plus en plus de contrôle.


Vous réagissez comment face à la critique ?
Oh ! Très bien ! L'idée que des personnes n'aiment pas ce que je fais, ne m'aiment pas est tout à fait normale. Et puis dans le fond, tant mieux ! Il faut avoir des ennemis. Il faut soigner ses ennemis ! 


L'image que les gens ont de vous est l'image réelle de ce que vous êtes ?
C'est l'image que j'ai envie qu'on ait de moi, en tout cas.


Je peux le confirmer pour tous les gens qui m'en ont parlé avant cette rencontre : vous êtes très, très belle...
Oh ! C'est gentil !


Vous vous jugez comment ? Vous vous trouvez comment ?
Je ne suis pas ma plus grande admiratrice. (rires) Mais j'apprécie, merci !


On va tâcher d'en savoir un peu plus sur vous. Vous vivez où ?
A Paris.


Toute l'année? On a lu beaucoup de choses sur Los Angeles, sur…
Oui, non... Los Angeles a été des fractions dans ma vie qui étaient essentiellement dirigées sur l'album. Donc j'ai souhaité enregistrer ce nouvel album encore à Los Angeles, qui est une ville essentiellement de travail me concernant.


A Paris, vous réussissez à avoir une vie, je dirais, "normale" ? Vous réussissez à sortir, à aller...
Je peux sortir si c'est mon souhait. Maintenant, c'est vrai que j'ai de par mon caractère un peu plus de mal à sortir à Paris qu'à New York.


Chez vous, c'est décoré comment ?
Il y a beaucoup de peintures et il y a beaucoup de bois.


Quand vous ne travaillez pas, vous faites quoi ? Vos loisirs, ça tourne autour de quoi ?
J'aime la lecture, j'aime la peinture, je vois beaucoup...


Vous pratiquez ?
Non. Non. Je l'apprécie. (rires) Je dessine parfois, en revanche. Et j'aime le voyage. J'ai la chance de pouvoir voyager, d'avoir du temps pour ça. C'est ce que j'ai fait pendant ces quelques années.


En préparant cette émission, j'ai évidemment pensé à vous. J'ai eu beaucoup de mal à vous imaginer en train de faire la cuisine... Ça arrive ?
Vous avez raison ! Je ne sais pas faire la cuisine ! (rires)


Bon, donc ce soir on ne mange pas chez vous ! Je crois savoir que vous avez un singe aussi ?
Oui.


Il s'appelle E.T. ?
Oui.
 

Comment va-t-il ?
ELLE va très bien !


ELLE va bien ?
Oui !


Au temps pour moi !
C'est une petite fille.


Ça se passe comment ? Parce qu'on est habitués à avoir des animaux domestiques qui sont des animaux, je dirais, "classiques" : chiens, chats, oiseaux, poissons... Avec un singe, ça se passe comment ?
De la même façon. Il y a peut-être davantage de communication, je n'en suis même pas sûre, si ce n'est que le singe a quatre mains. (rires) Donc, le toucher est très important. Maintenant, la caresse est appréciée par tous les animaux. Mais c'est vrai que c'est assez extraordinaire.


Si vous n'aviez pas rencontré Jérôme Dahan et Laurent Boutonnat au tout début de votre carrière, vous ne seriez peut-être pas chanteuse. Vous auriez aimé faire quoi ?
Le cinéma est quelque chose qui me tentait énormément. Je pensais devoir et faire du cinéma, et puis c'est la chanson qui est venue à moi et j'en suis très heureuse.


On marque une nouvelle pause dans cette émission. C'est Mylène Farmer qui est avec nous aujourd'hui sur Wit FM. A tout de suite.


Mylène Farmer avec nous sur Wit FM. Mylène, mine de rien, vous approchez de la quarantaine, même si vous masquez bien votre jeu. Vieillir, c'est quelque chose qui vous inquiète ?
Vieillir est quelque chose qui m'inquiète, oui, bien évidemment. (rires)


D'où cette chanson Et si vieillir m'était conté ?
Voilà !


On peut en parler un instant pour les gens qui ne l'ont pas écoutée et qui vont l'écouter dans un instant ?
Vous avez dévoilé le thème et c'est un sentiment qui est parfois oppressant.


Vous vous êtes fixée des limites quant à votre carrière, à sa durée ?
Non, je crois que ce sera spontané. Le jour où je me lève et si je n'ai plus envie ni d'écrire, ni de me montrer, je l'arrêterai.


Jusque là, vous portez quel jugement sur tout ce que vous avez fait, sur tous vos albums, sur l'ensemble de votre carrière ?
Juste le sentiment d'avoir traversé, construit un moment de vie...


Un joli moment de vie... Il y a des choses que vous regrettez ?
Non.


Que vous feriez différemment ?
Non. Non. Absolument pas.


Vous avez énormément de succès, une très grande notoriété? Vous le vivez comment au quotidien ?
Bien !


J'imagine que vous êtes financièrement extrêmement à l'aise. Vous êtes dépensière ?
Non. Si tant est que je voyage beaucoup, donc ça nécessite quelques moyens.


Alors, on revient à la carrière à proprement parler, Mylène. Vos clips sont toujours extrêmement soignés -c'est le cas également sur L'Âme-Stram-Gram - et faits par de grands réalisateurs. C'est devenu une marque de fabrique ?
Non, ça reste une envie que de rencontrer des réalisateurs de talent et d'essayer de trouver parfois même des réalisateurs qu'on ne connaît pas en France, ce qui a été le cas pour ce réalisateur chinois.


On parlait du cinéma tout à l'heure. Vous nous disiez que c'était votre "première passion". Vous recevez des scénarii ? Vous avez envie de remettre un pied dans le cinéma ?
 Je ne crois pas que ça soit en terme d'envie. Si ça doit arriver, ça arrivera. Je reçois parfois des choses, mais probablement moins qu'on ne peut le penser. Je crois qu'il y a un manque d'imagination sérieux quant à la multiplication de fonctions. 


Vous seriez prête à tenter une expérience dans le cinéma même si c'est un rôle qui changerait radicalement votre image, enfin l'image que le public peut avoir de vous ?
Surtout si c'est un rôle qui change radicalement. Oui, bien sûr !


On va se mettre à l'écriture... nous sommes prêts à tout ! (rires de Mylène) Hormis les clips soignés, il y a également beaucoup de disques collectors qui sont envoyés généralement en radio... donc à ce niveau-là on est extrêmement chanceux ... mais, qui par la suite se vendent sur un marché de collectionneurs...
Ceux qu'on appelle en tirage limité, oui…


Oui ! Qui se vendent très, très cher...
Qui demandent un énorme travail. Qui demandent aussi beaucoup de moyens quant à la réalisation. Donc, après, c'est un choix. C'est vrai que là, sur ce collector, j'ai passé d'abord beaucoup de temps, mais ce qui n'explique pas, là, le coût de cet objet... parce que ça, peu m'importe... mais d'un point de vue technique et d'un point de vue qualité, c'est quelque chose qui vaut beaucoup d'argent.


Mais là aussi, c'est vous qui avez la volonté d'amener ce produit, je dirais, pour les plus grands fans...
C'est pour moi fondamental, tout ce qui entoure la musique, les mots. C'est ce qui fait, je présume, aussi la différence entre certains artistes. Moi, j'ai besoin de ça, j'ai envie de ça et j'ai envie d'offrir autre chose, quelque chose en plus.


Diffusion de Et si vieillir m'était conté


Mylène, nous approchons de la fin de cette émission. Vous ferez trois dates à Bercy à la fin du mois de septembre. J'imagine que la tournée est prévue dans la foulée ?
La tournée est prévue. Absolument ! Jusqu'en décembre.


On peut espérer au moins une date à Bordeaux ?
Oui ! (rires)


Bordeaux est une région que vous connaissez un peu ? Vous y êtes déjà passée souvent en tournée ?
J'y suis passée, mais uniquement dans le cadre du travail donc, très peu de temps pour aller à l'extérieur.


Pour goûter un peu le vin ?
J'aime le vin ! 


Bon ! On tâchera de vous en faire parvenir ! (rires de Mylène) Je reviens à la scène, et, là aussi on va revenir à ce qu'on appelle un travail soigné. Il y a toujours d'énormes chorégraphies. C'est un vrai spectacle, en plus d'un concer. Ça demande combien de temps en termes de travail, de préparation ?
Je ne crois pas, là, qu'il y ait de règle. Maintenant, plus vous avez du temps et plus c'est confortable, en tout cas en termes de répétitions, d'évolution et de construction. Le spectacle précédent, je l'ai fait en très, très peu de temps et ça a été très ardu. Sur celui-ci, je vais prendre un peu plus de temps pour la construction, justement.


J'imagine que la construction, ça demande de refaire, de refaire et de refaire encore les choses. Y'a un moment où c'est fastidieux ou c'est toujours aussi plaisant ?
Le travail est considérable. Mais, c'est quelque chose qui me passionne donc, c'est le principal !


Avant de monter sur scène, vous avez le trac ?
Oui, beaucoup! (rires)


Vous pensez à quoi quand vous êtes juste derrière le rideau et que ça va démarrer, que la salle s'éteint et qu'il y a cette clameur qui monte ?
Au public.


Lors de vos spectacles, vous êtes acclamée par des milliers de personnes. Il y a un public qui vous donne beaucoup, vous donnez beaucoup. Qu'est ce que vous ressentez quand ça s'arrête, quand c'est fini, que vous êtes dans votre chambre d'hôtel et que vous vous retrouvez dans le calme absolu, seule ?
C'est toujours un moment qui est difficile, parce qu'on se sent... et on abandonne et on se sent abandonné. Maintenant, ça fait partie aussi des choses de la vie. Je les connais et, dans le fond, ce que je reçois et ce que j'ai reçu est quelque chose de tellement énorme et tellement important pour moi que c'est déjà une grande chance.


A Lyon, il y avait eu un concert assez catastrophique où vous vous étiez malheureusement cassée le poignet. Il y a eu d'autres problèmes sur scène, qui sont peut-être des problèmes un peu moins marquants que le public ne voit pas mais qui vous, vous ont beaucoup inquiétée ?
Des problèmes qui sont anodins mais qui sont des pannes de micros, des pannes de tapis qui doivent marcher, des pannes de... C'est souvent des problèmes techniques.


On arrive au terme de l'émission, Mylène. J'ai jusque là choisi tous les extraits que nous avons écoutés, ce qui n'est pas forcément facile. Je vais quand même vous laisser le soin de choisir le dernier. On se sépare avec quoi ?
Je ne sais pas. Avec Je te rends ton amour.


Merci encore pour cet entretien.
Merci à vous !


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