Interview
réalisée sur le tournage du clip Désenchantée
en Hongrie au mois de février. Laurent
Boyer : C'est en direct de Budapest, en Hongrie, en fait à
la
sortie de la ville, que nous sommes installés pour le
cinquième jour de tournage du clip qu'on attendait, enfin du
clip et du 45 tours de Mylène Farmer qui s'appelle Désenchantée,
que vous entendez à la radio déjà
depuis le 18 mars, dans l'attente d'un album qui s'appelle L'autre...,
et qui sortira le 8 avril. Alors, déjà,
merci
à Mylène de nous recevoir ici, parce que c'est la
première fois qu'une équipe de
télévision -
petite, l'équipe - a le droit de s'installer sur le tournage
d'un clip. C'est bien la première. Bonjour Mylène
! Mylene
Farmer : Bonjour (elle sourit puis baisse la tête, les yeux
plongés vers le sol). Laurent Boyer : Alors
vous
découvrez une Mylène Farmer un peu... on comprend
pas
bien quoi... On se dit qu'elle est sortie d'un roman de Charles
Dickens. Vous voyez que ce matin, on l'a un peu tabassée.
Elle a
un petit peu de sang qui coule des lèvres. Elle a beaucoup
souffert et elle est habillée, comme d'habitude, par Thierry
Mugler ou encore Amor, comme on peut le constater. Mylène,
bienvenue. Merci de nous recevoir ici, c'est très joli. (en
regardant vers l'arrière) Je crois que ça, c'est
en fait
l'image du début du clip ? Mylène
Farmer : Oui. Laurent Boyer : Je crois
que le clip commence comme ça. On est en plein tournage donc
on
est comme vous, on découvre un petit peu l'ambiance de ce
clip.
Alors, c'est Mylène Farmer dans cette tenue-là
qu'on
découvrira dans le clip... Mylène
Farmer : Sans le manteau ! Laurent Boyer : Sans le
manteau, parce que le manteau a un côté un peu
plus mode... Mylène
Farmer : Un peu moderne. Laurent Boyer : Il faut
dire qu'il ne fait pas très chaud. Cinquième jour
de
tournage. Il y a combien de temps que tu es installée ici,
Mylène ? Ça fait une huitaine ? Mylène
Farmer : Ça fait à peu près
huit jours. Laurent Boyer : Je sais
que
c'est pas très facile pour toi parce qu'il y a les
conditions
climatiques qui ne sont pas évidentes. Je crois qu'il a fait
très froid la semaine dernière... Mylène
Farmer : Oui, beaucoup plus froid qu'aujourd'hui. Laurent Boyer :
Là,
ça va un petit peu mieux. On a droit au soleil sur Budapest.
C'est assez joli. Et puis, tu te lèves très
tôt, et
vous tournez toute la journée, c'est ça ? Mylène
Farmer : On a des horaires un peu différents
chaque jour. Mais ce matin, on s'est levé à cinq
heures
du matin. Laurent Boyer : Alors,
cet
album arrive. On en a beaucoup entendu parler. Et quoique, puisque
ça fait un moment que tu es absente, en fait. Depuis le
dernier
Bercy, on n'entend plus parler de Mylène Farmer.
C'est-à-dire qu'il y a eu... Mylène
Farmer : Je crois que ça fait un peu plus d'un an,
maintenant. Laurent Boyer :
Qu'est-ce
qui s'est passé ? C'était une retraite ou
c'était
le temps de la création ? Mylène
Farmer : Je crois que c'est un petit peu des deux.
Je crois qu'on a besoin de se cacher après une
scène.
C'est beaucoup d'émotion. Et d'autre part, j'ai
préparé le... troisième album, je
crois ? Laurent Boyer : C'est le
troisième. Je te le confirme. Mylène
Farmer : Le troisième. Et ma foi,
voilà, ça a pris à peu près
quatre, cinq
mois de studio. Laurent Boyer : De
studio, et de création aussi, d'écriture, parce
que tu as écrit... Mylène
Farmer : Oui. Toute l'écriture,
c'était vraiment sortie de scène jusque
entrée en
studio. Laurent Boyer : Est-ce
qu'on peut dire...Cet album, on n'en parle pas encore. Il sort le 8
avril, donc on ne sait pas encore... personne n'a
écouté.
On sait qu'il s'appelle L'autre.... Il y avait Ainsi soit
je..., il y
a L'autre... maintenant. C'est quoi, c'est
une continuité cet album ? Mylène
Farmer : J'ai un petit peu de mal à
m'expliquer quant au contenu d'un album. Mais, je dirais que c'est de
la même veine. C'est très difficile pour moi.
C'est
quelque chose d'assez mystérieux finalement. Même
pour moi. Laurent Boyer : Y'a que
toi qui a écrit sur cet album ? Mylène
Farmer : Oui. Laurent Boyer : Ou on
trouvera d'autres textes, d'autres gens ? Y'a une dizaine de titres,
c'est ça ? Mylène
Farmer : Oui. Il y a à peu près dix
titres. Il y en a même dix. Et non, je suis la seule
à
écrire. J'ai délaissé les
poètes. (rires) Laurent Boyer : Bien.
Les
conditions de tournage, vous le verrez, parce que vous allez voir
énormément d'images du tournage... on en profite
en fait
puisque tu nous reçois ici,. Vous allez découvrir
de
quelle façon Laurent Boutonnat et Mylène Farmer
travaillent sur un clip, sur ce clip qu'on découvrira tout
à l'heure, Désenchantée.
Vous le verrez par deux fois, ce clip, avant la fin de
l'émission, deux versions différentes. Il y a
à
peu près une centaine de figurants ici ? Mylène
Farmer : C'est ça. Laurent Boyer : Des
enfants. Alors, pourquoi avoir choisi des enfants ? Et, des enfants
hongrois en fait, à Budapest. Y'a une raison
particulière
? Mylène
Farmer : Il y a plusieurs raisons pour le choix de
la Hongrie. Il y a d'abord la neige. On voulait un paysage de neige.
D'autre part, effectivement, on voulait beaucoup de figurants. Et, on
voulait surtout des enfants qui portent quelque chose de grave dans le
visage, dans le regard. C'est vrai que les pays de l'Est, pour
ça, c'est fabuleux. D'autre part, il y a beaucoup, beaucoup
de
techniciens en Hongrie qui sont très, très
performants et
professionnels. Et enfin, une des dernières raisons, c'est
que
c'est beaucoup moins cher, et qu'on peut faire des choses grandioses
avec peu de moyens, finalement. Laurent Boyer : Est-ce
que
ça veut dire que ça va être dans la
lignée
aussi de l'imagerie Mylène Farmer ? Parce que c'est vrai que
Mylène Farmer, on l'associe aux clips, clips
scénarisés qui sont en fait des films, on ne peut
même plus parler de clips, on parle de films. Est-ce que
c'est
dans la même veine et ça s'inscrit toujours dans
cette
veine scénarisée et à grand spectacle ? Mylène
Farmer : Ce sera la même chose. C'est la
même écriture et le même
réalisateur. Et
pratiquement la même équipe à chaque
fois, sur
chaque tournage. Laurent Boyer : Est-ce
qu'on peut dire aussi que, quelque part, en fait, si vous venez tourner
ici, en Hongrie, à Budapest... On y pense souvent quant
à
toi... tes ambitions cinématographiques peut-être,
et
celles de Laurent... On peut se dire il y a peut-être
aussi... On
sait que Cyrano
de Bergerac
a été tourné en Hongrie. On peut se
dire qu'il y a
peut-être aussi, pour toutes les conditions que tu nous as
données, les prémices d'un futur long
métrage ou
le moyen de repérer aussi pour un long métrage. Mylène
Farmer : Ça, c'est quelque chose
d'envisageable, qui a été envisagé.
Mais j'avoue
que, pour l'instant, c'est quelque chose qui n'existe pas. Et puis,
c'est quelque chose qui appartient à Laurent, en tout cas,
pour
l'instant. Donc, en fait, je ne puis rien dire. Mais ce que je sais,
c'est qu'il avait fait effectivement des repérages, avant
d'envisager le clip, en Hongrie, pour un long métrage. Laurent Boyer :
L'histoire
de Mylène Farmer en clips. On va essayer de la
découvrir.
On va découvrir plusieurs extraits des grands clips de
Mylène, et on en parle dans quelques instants.
Regardez
bien : Mylène Farmer... Diffusion
d'extraits de clips. Laurent Boyer :
Voilà, Mylène. On vient de
découvrir les extraits des... on va appeler ça
des films.
Mylène Farmer, de Libertine
à Tristana,
tous les
grands classiques. Qu'est-ce que ça
te fait de revoir en fait ton histoire et presque ta
carrière en clips
? C'est vrai qu'on a beaucoup associé ça, avant
la
scène j'entends ; c'est-àdire que l'association,
c'était : "Mylène
Farmer, c'est de l'image. Mylène Farmer n'existe que par
l'image". Est-ce que tu as ce sentiment ? Est-ce que tu le revendiques
ou est-ce que, au contraire, ça te gène,
maintenant que
tu as fait de la scène ? Mylène
Farmer : Non, non,. Je n'ai aucune gêne quant
à mon passé. C'est quelque chose qui est, je
crois,
très important pour moi, l'image. C'est ce qui m'a fait
connaître, très certainement. Bien
évidemment, les
chansons, mais c'était quelque chose d'essentiel en tout
cas.
Donc j'en suis très contente. Très contente. Et
c'est
vrai que j'avais besoin de la scène, mais, ça
c'est pour
mes propres émotions, pas... (silence) Laurent Boyer :
Justement, à ce propos, tu dis que, en
fait, assez fréquemment, tu es en état de peur et
que tu
as besoin de cette peur pour oublier. Mais pour oublier quoi ? Tes
angoisses ? Mylène
Farmer : Pour oublier ses angoisses, pour oublier
que la vie est profondément dure et parfois laborieuse. Pour
oublier beaucoup de choses qui sont trop intimes pour vous les raconter. Laurent Boyer :
D'ailleurs, tu cites quelqu'un qui s'appelle Luc
Dietrich qui dit : "L'oubli c'est le sommeil de nos douleurs". Mylène
Farmer : Oui. No comment ! (rires) Laurent Boyer : C'est
ça? Tu confirmes? Y'a pas de
problèmes, ça reste ça. Mais cette
trouille, elle
te fait du bien, elle te motive ? Par exemple, au moment de rentrer en
studio, tu dis que tu as quelques angoisses. Mais quand tu parlais de
ça, tu n'avais pas encore fait la scène : y'avait
pas
encore eu le Palais des Sports, y'avait pas eu Bercy... Mylène
Farmer : Les véritables angoisses sont quand
même celles, je crois, de la scène. Le studio,
c'est autre
chose. En tout cas, le studio, moi je parlerais plutôt de
l'écriture. Parfois, on a l'impression qu'on n'a plus de
nourriture pour pouvoir aussi donner des choses. Donc, ça,
c'est
quelque chose qui m'a fait un petit peu peur. En sortant de
scène,
on est complètement vidé. Et puis, on
s'aperçoit
que ça se fait au fil du temps. Laurent Boyer :
Vidé de ses émotions, vidé de son
trac, de ses sentiments ? Mylène
Farmer : Non. Comblé d'émotions. Mais...
c'est difficile à exprimer. C'est... Laurent Boyer : C'est un
petit peu particulier quand même
pour quelqu'un qui a une trouille permanente ou qui a des angoisses et
une peur, de monter sur scène devant 18 000 personnes. Mylène
Farmer : Il y a une différence entre trouille et
angoisse, je trouve. Laurent Boyer : Les
angoisses, c'est plus profond ? Mylène
Farmer : J'en sais rien. Enfin moi, je me
résumerais comme quelqu'un d'angoissé et pas
trouillard du tout, par contre. C'est quelque chose de très
motivant finalement, oui. Laurent Boyer :
L'exutoire c'est l'écriture, en même temps ? Comme
par
exemple, tu dis que tu as eu une période
d'écriture
après Bercy... Mylène
Farmer : Dans un premier temps, oui, c'est
l'écriture, absolument. Mais il y a beaucoup de choses
à
jeter. Justement, quand on a eu des émotions comme
ça très,
très fortes, en général,
l'après
émotion, c'est pas le moment pour rédiger des
choses. Je
crois qu'il faut attendre quelques mois avant d'essayer de
s'échapper un petit peu de quelque chose de puissant. Laurent Boyer : Tu
fonctionnes presque comme une éponge. Tu as besoin de
regarder ce qui se passe autour... Mylène
Farmer : La métaphore est jolie. Je vous remercie !
(rires) Laurent Boyer : N'est-ce
pas ! Je vous en prie ! J'aurais pu
choisir autre chose, c'était une allégorie, il y
en a beaucoup dans tes clips... C'est
fonctionner comme une éponge, regarder ce qu'il se passe
autour
et retracer une histoire. Par contre, il y a une chose qui est
étonnante, c'est que dans la plupart de tes titres, assez
fréquemment, ça revient souvent, comme un
leitmotiv, il y
a la mort qui est là et qui est présente. Est-ce
que
ça fera également partie du futur album, de L'autre... ? Mylène
Farmer : Je dirais que c'est quelque chose qui est
inhérent à ma vie. C'est quelque chose qui me
trouble.
Est-ce que ça me passionne ? Je ne sais pas bien. Oui, c'est
quelque chose qui sera présent. Mais, c'est en
deçà
des mots. C'est pas forcément dit avec violence, non plus. Laurent Boyer :
Ça, ça fait bien partie de ton
personnage. Parce que que quand on parle de toi, on a presque envie de
parler de
clair-obscur. On a l'impression qu'il y a des antinomies et des
paradoxes
permanents. Il y a la sauvage d'un côté, puis la
timide de
l'autre subitement... Mylène
Farmer : Elles existent. Je crois qu'on ne peut pas
fabriquer pendant sept années. Je suis comme ça
et je
peux avoir mes moments d'euphorie, comme tout le monde, bien
évidemment. Mais je crois que je suis
profondément timide. Laurent Boyer : Alors,
on vient de voir une série de clips,
de Sans Logique à Sans
contrefaçon,
ou encore Tristana, Libertine. Il y en a un qu'on n'a pas vu,
volontairement, qu'on
va découvrir maintenant, c'est Ainsi soit
je...où
là, effectivement, il y a, c'est peut-être ce
côté paradoxe, il s'est passé autre
chose dans le
tournage de ce clip. Déjà dans l'utilisation du
noir et
blanc et du sépia. Et puis, c'était pas une
scène
à grand spectacle. On n'était pas, comme ici
à
Budapest, dans une usine désaffectée, avec de la
neige, des trains qui passent, c'est vrai... et qui repassent.
Et
je crois que c'est un des clips que tu
préfères, c'est une des images de toi, Ainsi soit
je..., que
tu aimes bien. Mylène
Farmer : Je sais pas si c'est une image que j'aime
bien. Là, j'apprécie beaucoup la
sobriété
de ce clip. Pour le thème, le sujet et l'univers, en tout
cas
l'ambiance. Je crois que c'était important d'être
très, très sobre, et surtout pas explicatif, pas
être narratif non plus. Donc, avoir des images et
suggérer
des choses, c'était plus important. Laurent Boyer : Ainsi soit
je.... Diffusion
du clip de Ainsi
soit je.... Laurent Boyer : Ainsi soit je...,
Mylène
Farmer. Donc un des clips que Mylène
préfère.
Rentrons maintenant dans le détail : si on est ici
à
Budapest, donc, c'est pour vous montrer, c'est ce que vous allez
découvrir, des images de ce tournage de clip. C'est une
première fois, je le disais tout à l'heure, et
l'on t'en
remercie, avec Laurent Boutonnat et Thierry Suc, de nous avoir
acceptés sur le tournage d'un clip, parce que vous
êtes un
peu avares d'images justement de ce travail que vous faites en
équipe sur
le tournage d'un clip, comme en ce moment ici, en Hongrie. Mylène
Farmer : Je ne sais pas si nous sommes avares, mais
c'est assez difficile qu'une autre équipe intervienne parce
que,
quelquefois, un tournage, surtout comme celui-ci, c'est une grosse
machinerie, donc si il y a perturbations ça peut
perturber le metteur en scène et
tout le monde. Et c'est vrai qu'on a un souci de garder les choses
secrètes, mais parce que, moi, je suis probablement comme
les
enfants : j'aime encore les surprises. Donc, j'aime bien cet effet de
surprise quand on a un nouveau clip ou de nouvelles chansons. C'est
pour ça que je fais très peu écouter
l'album avant qu'il ne sorte. C'est une manière de
préserver la chose. Images
du tournage du clip Désenchantée
avec l'indication : "Budapest - 22 février 1991" Laurent Boyer : A propos
de ce titre, tu parles de
génération, de chaos, d'intensité...
j'ai eu
l'occasion d'écouter le titre une fois. C'est presque un
titre
d'actualité. C'est une fois de plus le malaise. Mais c'est
le
malaise de quoi ? D'une génération ? Y'a
le mot "génération" dedans. Quelle
génération ? Mylène
Farmer : Là, je suis un petit peu
désolée parce que, même si le mot
"génération"' existe, je parle surtout de moi. Je
ne
veux en aucun cas impliquer, même si j'emploie une fois de
plus
le mot "génération", je n'implique que moi.
Maintenant, c'est vrai que si quelques personnes pensent comme moi, je
dirais tant mieux ! Mais, une fois de plus, ça n'engage que
moi.
Je ne veux en aucun cas faire de la revendication. Et moi, me situant
plutôt hors du temps et hors de l'Histoire, je
préfère qu'on ne me considère que
comme tel. Laurent Boyer : Mais,
c'est-à-dire pourquoi tu te places hors de tout ? Parce que
rien
ne te touche ? Ça m'étonne... Mylène
Farmer : Ça n'a rien à voir. On peut
se situer et se placer hors de tout. C'est une manière de se
protéger, c'est une manière surtout de
s'échapper
du monde environnant. Maintenant, je fais la même chose que
vous
toute la journée, probablement. Mais en aucun cas, je ne me
servirais de l'actualité présente. Non pas parce
que
ça ne me touche pas, ce serait cruel de dire
ça, mais parce que
ce n'est pas mon propos que de parler de ça. Images
du tournage du clip Désenchantée Laurent Boyer :
Parle-moi un petit peu de Désenchantée.
Vous êtes venus ici, à
Budapest, tu l'as dit tout à l'heure, pour des raisons de
tournage. Je sais que Laurent et toi vous aimez bien la neige, vous
aimez bien l'humeur de cet endroit, la Hongrie. Mais dans le clip, on
voit des jeunes enfants - il y a une centaine de figurants hongrois -
avec des têtes très particulières,
grimés,
masqués, habillés peut-être un peu
comme toi... Mylène
Farmer : Tout à fait. Même encore plus
sales ! (rires) Laurent Boyer : Encore
plus sales ! Assez minimaliste dans la tenue. Alors,
pourquoi ce choix ? D'où a été
l'inspiration de ce choix ? Mylène
Farmer : Là, j'avoue qu'il est né
probablement d'un amour commun, de Laurent et moi-même, pour
tout
ce qui est Dickens, qui est Oliver
Twist. On aime
beaucoup, tous les deux, David Lean qui avait
réalisé, je
crois que c'était un de ses premiers longs
métrages, qui
était Oliver
Twist, qui était absolument
magnifique. Et c'est surtout cette approche du conte qui est permanente. Laurent Boyer : Oui,
ça reste un petit peu dans ce qu'on a vu
déjà chez toi... Mylène
Farmer : Oui Laurent Boyer : ... dans
les histoires qui avaient avant, dans les
scénarii qui avaient été
développés.
C'est toujours un conte et une histoire. Tu aimes les histoires. Tu
aimes les fins, aussi, qui sont pas forcément belles. C'est
que
tu dis à propose du cinéma. Mylène
Farmer : Oui. J'aime les fins, je crois que je
préfère même les fins tragiques. Laurent Boyer : Tu fais
beaucoup de reproches d'ailleurs au cinéma
français à ce sujet-là. Mylène
Farmer : Je le fais dans ma vie
privée. Et en privé, très souvent,
je...
Non, je ne ferai pas de grands discours sur le cinéma
français. J'ai l'impression effectivement que le
cinéma
français, en tout cas le cinéma
français d'aujourd'hui me touche moins qu'un
autre cinéma : le cinéma russe, le
cinéma
américain parfois, le cinéma anglais. Maintenant
il y a
toujours des... Laurent Boyer :
Tarkovsky, par exemple, dans le cinéma russe ? Mylène
Farmer : C'est quelqu'un que j'aime beaucoup. J'aime
beaucoup Bergman. J'aime beaucoup David Lean qui malheureusement a
arrêté
de tourner, je crois. J'aime beaucoup David Lynch. Mais j'aime aussi...
Il y en a beaucoup. Laurent Boyer : On a
presque l'impression, dans Désenchantée, dans le clip, que c'est un
univers carcéral mais, particulier... Mylène
Farmer : On a essayé en tout cas d'avoir quelque
chose
d'intemporel. C'est pour ça aussi le choix de ces costumes,
parce qu'on ne peut pas tout à fait situer
l'époque.
Alors, ça se situe effectivement dans un milieu
carcéral.
Il y a une autorité autour de ces enfants. Qu'est-ce qu'on
peut
dire ? Et, que ces enfants n'ont rien à perdre, donc il leur
reste comme solution la révolte et c'est ce qui va se passer
dans le clip. Laurent Boyer : Je me
souviens, qu'à une époque, enfin j'ai lu
ça quelque
part, sans forcément parler de ton histoire, que quand tu
étais petite, tu
passais beaucoup de temps dans les hôpitaux psychiatriques.
Tu as
fait ça pendant un petit moment ? Mylène
Farmer : Ce n'était pas des hôpitaux
psychiatriques. C'était d'ailleurs l'hôpital de
Garches
qui a beaucoup d'enfants handicapés, moteurs et mentaux
effectivement. Je m'en suis... en tout cas j'en ai un souvenir, j'ai eu
l'impression de m'en occuper beaucoup. J'y allais très
souvent
le dimanche. J'étais assez petite. Laurent Boyer : Mais
c'est pas un truc de petite fille, ça
! C'est quand même assez original, comme attitude... Mylène
Farmer : Je sais pas bien. J'avais probablement
besoin d'aller vers quelqu'un, vers les autres en tout cas. Mais, c'est
bouleversant, c'est passionnant. Peut-être que j'y
retournerai un
jour. Peut-être. Laurent Boyer :
Ça n'a pas de rapport avec ça, comme par exemple
l'encadrement, toute la structure qui est autour des enfants du clip ? Mylène
Farmer : Peut-être inconsciemment. Là
j'avoue que je... (rires) Laurent Boyer : Y'a pas
d'incidence ? Mylène
Farmer : Effectivement, il y a des acteurs, il y a
de
jeunes enfants, qui sont handicapés. Et on s'est
aperçu...
il y a une anecdote absolument magnifique : qu'un enfant
handicapé, qui est donc sur le tournage, et qui s'est
adapté
au tournage en quatre jours. Et son éducatrice nous a dit
qu'en
quatre jours, il avait fait des progrès peut-être
de six
mois. Donc,
c'est une jolie récompense. Laurent Boyer :
Ça
fait partie des récompenses. Ça, j'allais dire
c'est un
côté humaniste ? L'humanité de
Mylène qui
est toujours présente... Mylène
Farmer : Non... (en baissant les yeux) Laurent Boyer : Comment
tu
vis avec touc gens, comment tu échanges avec tous ces jeunes
hongrois qu'on voit là ? Mylène
Farmer : C'est un échange uniquement de
regards puisque nous n'avons pas la même langue et que les
interprètes ne sont pas toujours là pour
traduire. Ce
sont des regards et puis... Ce sont surtout des gens... Tous ces
figurants ne jouent pas. Ils sont très, très
justes.
Enfin, ils jouent, mais en aucun cas ne surjouent, et c'est ce qui est
fascinant. Ils ont une spontanéité. Et on a
l'impression
qu'ils sont nés dans ces costumes, dans cette
époque. Et
ça, j'avoue que c'est un plus pour le tournage. Laurent Boyer : Je crois
que c'est un parti pris. J'ai eu
l'occasion de discuter avec ce qu'on appelle un casting producer ici.
Il
m'a dit que, dans le choix des gens, il y avait peu de
comédiens, hormis la matonne... Mylène
Farmer : Absolument, oui. Laurent Boyer : Il y a
des délinquants, il y a des jeunes enfants de
l'école... Mylène
Farmer : Il y a de tout, oui. Ce sont des gamins de la rue.
(rires) Laurent Boyer : Avec
leurs réactions.
C'est-à-dire quand on vit à Budapest, quand on a
vécu ce qu'on a vécu, avec l'histoire qu'on a
eue, dans une ville qui, somme toute, quand on se promène un
peu
ici, on sent que c'est pas forcément réjouissant,
au
niveau de l'humeur et de l'âme... Mylène
Farmer : C'est en tout cas habité. Laurent Boyer : C'est
ça. Il y a une âme, mais on sent qu'il y a une
pression... Mylène
Farmer : Il y a une dureté et il y a une... oui il
y a une dureté réelle. Diffusion
d'images de Laurent Boutonnat tournant la scène finale de Désenchantée. Laurent
Boutonnat : On a une scène avec tous les figurants, avec
Mylène. (...) C'est un raccord à faire sur ce
petit monticule.
Nous, on est derrière, avec la caméra. On va
faire
brûler des pneus pour avoir une grosse fumée
noire, pour
être raccord avec l'usine d'hier où il y avait le
feu,
etc. Ils sont censés donc s'échapper de
l'usine et ils vont
descendre de cette petite colline pour courir dans cette immense
plaine, vers rien. Laurent Boyer : Ce sera le
dernier plan du clip ? Laurent
Boutonnat : C'est l'amorce des derniers plans, en fait. C'est le
premier plan où ils s'échappent de cette prison /
usine comme ça
pour partir dans la plaine. Et après, on a plusieurs plans
à
faire de leurs visages qui courent... Laurent Boyer : Ça a
été un bonheur pour toi d'avoir cent figurants,
de jeunes hongrois ? Laurent
Boutonnat : Oh oui, oui, oui. C'est formidable ! Laurent Boyer : Pas trop
difficile à gérer ? Laurent
Boutonnat : Non. Parce qu'il y a une équipe très
solide
qui tient bien tout ce monde-là. Ils ont des têtes
extraordinaires en plus. Il y a une chose de formidable ici, c'est
qu'ils sont... Ils jouent bien. C'est même pas jouer...
ça
leur plaît de faire ça. Donc c'est presque naturel. Laurent. Boyer : C'est
peut-être mieux que des comédiens ? Ils ne
surjouent pas ! Laurent
Boutonnat : Ah oui ! C'est impossible, les comédiens ! C'est
impossible ! Mais, ils
ont quelque chose de naturel. Comme ils n'ont jamais fait ça
de
leur vie, ils ont une espèce de maladresse. Mais,
formidable. T'as
l'impression qu'ils ont fait ça toute leur vie, que ce sont
de
grands professionnels. Laurent Boyer : T'as voulu
tourner ici, ça s'appelle la puska... Laurent.
Boutonnat : La puszta. Laurent Boyer : C'est quelque
chose d'énorme. C'est la plaine hongroise, en fait. Le ciel
se rejoint avec la terre. Laurent.
Boutonnat : Absolument. La Hongrie est un pays plat où il
n'y
a que des plaines. Et tout le centre de la Hongrie, c'est ça
sur
des centaines et des centaines de kilomètres avec rien. Et
c'est très
impressionnant, surtout avec la neige. On a l'impression que le ciel et
la terre se rejoignent et que y'a rien. C'est le néant. Et,
c'est
beau. Diffusion
d'images du clip et de pubs. Laurent Boyer : (...)
Dans un lieu un peu particulier, qui
est un lieu de tournage, celui que Mylène Farmer et Laurent
Boutonnat ont choisi pour ce clip,
Désenchantée, qu'on va
découvrir dans quelques instants puisque vous allez le
découvrir pour la première fois sur M6, presque
en
exclusivité, parce qu'il est pas passé beaucoup
avant. On
a parlé un petit peu de ce clip, de la façon dont
tu as
travaillé. Alors toi, c'est ta tenue permanente, on va dire
la tenue
Dickens, c'est un petit peu ça. Et puis, un travail de
maquillage. Tu n'hésites pas à te grimer.
Là, on
voit que tu as effectivement la petite trace de sang. Tu as beaucoup
souffert dans ta vie... Mylène
Farmer : Je me suis fait très mal ici
(Mylène indique sa lèvre fissurée).
C'est parce que j'ai
reçu des pierres. Donc, fatalement, je me suis
coupée
avec une pierre. Laurent Boyer : Il y a
autre chose que tu as coupé,
ça tout le monde l'aura remarqué. J'ai pas
sauté
dessus tout de suite... (référence au fait que
Mylène a récemment coupé ses cheveux,
ndlr) Mylène
Farmer : C'était élégant !
(rires) Laurent Boyer : Merci ! Mylène
Farmer : Ils sont coupés ! Laurent Boyer :
C'était un choix ? Moi, je trouve que ça va de
plus en plus dans ton côté... pourquoi j'allais
dire : androgyne ? Mylène
Farmer : Allons bon ! Laurent Boyer : Est-ce
qu'il y a mot qu'on pourait utiliser ? Peut-être
"différente" ? Ce côté masculin. Oui,
ce
côté masculin. On sait pas trop, quoi. Cette image
un peu
masculine et féminine. Le fait de couper les cheveux, tu
sacrifies au mythe. Enfin, au mythe: pas les cheveux !
(rires) Mais la coupe, on va dire : "Mylène Farmer,
décidément, est de plus en plus masculine".. Mylène
Farmer : Oh non, je ne pense pas, non. En tous cas, ce
n'est pas mon souhait. Et je pense qu'on peut avoir des cheveux
très courts et être très
féminine quand
même. Laurent Boyer : Un
exemple : Katharine Hepburn. Mylène
Farmer : Audrey Hepburn ! Katharine Hepburn a eu les
cheveux longs plutôt, elle. Mais, elle, avait une
façon de s'habiller très, très
féminine, mais toujours avec des
pantalons. Très sobre. Que puis-je vous dire sur la coiffure
?
Rien ! (rires) Laurent Boyer : Sinon
que t'avais envie de le faire et que ça fait causer, quoi ! Mylène
Farmer : Ça, c'est vous qui le dites que
ça fait causer ! Moi, j'avais tout simplement envie de
changer
de tête. C'était important pour moi. Et puis,
c'est plus
facile de se coiffer quand on a les cheveux courts ! Laurent Boyer : J'aime
quand on parle de pratique comme ça. C'est bien !
Mylène Farmer, Désenchantée,
le clip, on le regarde tout de suite. Diffusion
du clip Désenchantée
en version courte. Laurent Boyer : On a
parlé tout à
l'heure des enfants hongrois, on en a beaucoup parlé, de ce
choix, du lieu bien sûr. Alors, il y a une infrastructure et
une
équipe assez importantes. Il y a beaucoup de gens sur ce
tournage... Mylène
Farmer : Je crois qu'il y a à peu près
cent vingt personnes, mais il y a surtout douze personnes enfin,
"surtout" parce qu'elles viennent de Paris, il y a douze personnes dans
l'équipe technique. Laurent Boyer : Des
français, donc ? Mylène
Farmer : Des français, absolument. Laurent Boyer : Avec qui
vous avez l'habitude de travailler ? Mylène
Farmer : Oui. Jean-Pierre Sauvaire, qui est chef
opérateur. Carine Sarfati qui est aux costumes. Et beaucoup
d'autres et je m'excuse de ne pas les citer. Laurent Boyer : C'est
une équipe de copains, ça.
C'est des gens avec qui vous travaillez fréquemment. On a
l'impression que c'est presque une famille... Mylène
Farmer : Oh oui ! C'est des gens de grande
qualité humaine et professionnelle. C'est vrai que c'est un
plaisir, à chaque fois, de les réunir
à nouveau. Laurent Boyer : On voit
pas de chevaux dans ce clip ! Mylène
Farmer : Non. Laurent Boyer : Y'a pas
le... Mylène
Farmer : Le syndrome chevaux ! (rires) Non, il
n'existe pas ! Non, non. Laurent Boyer : Y'a pas
le cadre noir, et pourtant, ça fait partie de ton histoire
ça, quand même... Mylène
Farmer : Ça, c'est la presse qui est
allée un petit peu trop loin. J'ai fait beaucoup
d'équitation dans ma jeunesse. J'ai effectivement fait un
passage, mais très bref, à Saumur, mais
c'était
pour envisager de passer le monitorat. Donc ça a
été très,
très bref. La presse s'est emparée de
ça et en a
fait une grande monitrice d'équitation. Mais, je n'en suis
pas
là. Laurent Boyer :
Ça faisait pas partie de tes aspirations. En fait, chanter
non plus, vraiment ? Mylène
Farmer : Non, ce n'était pas une vocation.
Mais c'est quelque chose de... C'est probablement un cadeau de la vie
qui m'a été fait. Laurent Boyer : Est-ce
que c'est une chance qui passe à un
moment donné ? Est-ce qu'il faut la saisir cette chance ? Au
moment où tu as rencontré Laurent sur le premier
45 tours,
il y a une petite voix qui t'a parlé ? Mylène
Farmer : C'est l'autre, justement ! (sourire) Laurent Boyer : C'est
l'autre ? Mylène
Farmer : Oui. C'est une petite voix. C'est une
chance et une évidence à la fois.
C'est-à-dire que
quand j'ai rencontré Laurent... Tous les deux, nous sommes
nés de la même chose. Donc, c'est quelque chose de
très fort et très beau, en tout cas pour ma vie. Diffusion
d'images du tournage du clip. Laurent Boyer : Autre
chose qui a probablement été
très bon, on en parlait tout à l'heure, de tes
émotions, de ta peur, de ce qui te motive, de ce qui te fait
avancer : ça a été la
scène. Ça a
été le Palais des Sports, ça a
été
Bercy, par la suite. Moi, je t'ai vue dans les deux cas. Je t'ai vue
pleurer sur scène, pleurer d'émotion
sûrement,
d'intensité. Est-ce que ça, c'est
l'avènement pour
toi ? Le parcours a été long, de 84 à
89, à cette
scène. Est-ce que ça représente
l'avènement
? Et est-ce que ça te manque déjà,
l'absence de
scène depuis à peu près un an ?
Ça fait un an qu'on n'a pas eu d'échos de
Mylène. Mylène
Farmer : Je ne sais pas si on peut parler d'un
manque. C'est très troublant, la scène. En
tout cas, la façon dont moi j'ai abordé la
scène
et la façon dont je l'ai ressentie, c'est quelque chose de
très troublant. Donc c'est quelque chose qui marque
énormément. Là aussi, c'est difficile
pour moi
d'en parler parce que c'est très riche. C'est... Je ne sais
pas. C'est
une grande émotion. Maintenant, je pourrais dire beaucoup,
beaucoup
d'autres choses, mais c'est délicat pour moi parce que je... Laurent Boyer : Est-ce
que c'est une émotion passée
ou est-ce que c'est une émotion qui implique le fait
d'être en désir justement de cette
émotion ? Mylène
Farmer : C'est une émotion, non, qui fait partie
maintenant de mes souvenirs. Mais, dans la mesure où c'est
aujourd'hui, je peux le considérer comme étant du
passé, donc c'est quand même... Comment vous dire
? C'est
une plaie. En tout cas, dans mon souvenir, c'est une plaie parce que
c'est
quelque chose que je n'ai plus, actuellement. Ce qui ne veut pas dire
que j'ai envie d'y retourner tout de suite non plus. J'ai envie de
vivre dans ma vie des choses très, très fortes.
Donc, je sais que je ne
pourrai pas les renouveler quotidiennement. Donc je sais que ma
première fois sur scène, c'était
quelque chose
d'incroyable pour ma vie. Et c'est vrai que... est-ce que je
ressentirais les mêmes
choses si je remonte une deuxième fois sur scène
? C'est
la question, en fait, que je me pose. Donc, c'est en ce sens que c'est
très déstabilisant. Laurent Boyer :
Qu'est-ce qui peut t'inspirer justement un
désir aussi fort, où tu te dis : "Tiens, si je
faisais
ça, j'aurais peut-être une émotion
encore plus
forte" ? Y'a le cinéma, probablement ? On t'a
proposé
d'ailleurs des rôles au cinéma. Garcia t'a
proposé
un rôle, il me semble... Mylène
Farmer : Vous me surprenez parce que, moi, je n'en ai jamais
parlé. Laurent Boyer : Ah oui ?
C'est des échos, alors. Des bruits... Mais, c'est vrai ou
pas ? Mylène
Farmer : Non... mais c'est pour dire que je n'en ai
jamais parlé. C'est vrai que j'ai
rencontré Nicole
Garcia. J'ai vraiment souhaité la rencontrer. J'avais ce
projet
de scène, donc il a fallu choisir et c'était
évident pour moi. Ce n'était même plus
un choix.
Mais j'ai quand même souhaité la rencontrer.
J'aime bien
cette femme. J'ai eu quelques propositions. J'attends. J'attends parce
que ce ne sont pas encore les bonnes. Et que j'y mettrai, je dirais, la
même démesure et la même passion pour
aborder ce
thème-là. Mais c'est... J'attends.
Voilà. Laurent Boyer :
Peut-être, alors. Qui sait ? On parlait
d'émotion à l'instant. L'émotion,
l'intensité. C'est extrait d'un double album qui est
sorti. C'est également la cassette vidéo live du
Palais
Omnisports de Paris Bercy. (le concert a en fait
été filmé à Bruxelles,
ndlr) C'est Mylène Farmer sur
scène. Plus
Grandir. Regardez. Diffusion
du clip Plus
Grandir (live). Laurent Boyer : Plus
Grandir,
à l'instant.
C'est la scène, c'est Mylène Farmer en
scène.
Mylène nous en parlait à l'instant, avec cette
émotion nette et intense qu'était cette
scène. A
propos de ton succès, parce que tu as quand même
du
succès, tu es...je sais pas si on peut dire star ou
vedette... Mylène
Farmer : J'en sais rien. C'est pas mon problème. Laurent Boyer : Par
contre, il y a une
réflexion que tu t'es donnée à
toi-même une
fois dans une interview, tu t'es toi-même posée la
question, et tu y as répondu, et j'ai trouvé
ça
assez intéressant. Tu dis : "Si le succès se
meurt, je
serais dans une solitude incommensurable et presque insupportable".
Alors, ça aussi, c'est le paradoxe du personnage puisque tu
viens de me dire : "Bof, je m'en fous, c'est pas mon
problème. Je
suis star, je suis vedette, c'est pas...". Mylène
Farmer : Non, mon problème n'est pas le mot
qu'on emploiera pour définir. Mais mon vrai
problème,
c'est d'exister, et donc d'avoir le regard des autres posé
sur
moi, d'avoir quelqu'un qui m'écoute. Et ça,
c'est...
C'est vrai ! Pourquoi je fais ce métier ? C'est parce que
j'ai besoin de
ça pour vivre. Laurent Boyer : C'est le
désir, l'amour des autres. Probablement le désir
de donner aussi... Mylène
Farmer : Bien sûr. Ça c'est...Oui, bien
évidemment. Oui. Laurent Boyer : Est-ce
que tu projettes un petit peu, on parlait cinéma tout
à l'heure, on parlait émotion, est-ce que
justement de temps en temps tu arrives à projeter dans
l'avenir
et te dire : "Est-ce que je continuerai à faire
ça ?" ?
C'est-à-dire un album tous les trois ans - c'est le
troisième album, là, donc un temps
d'écriture assez long -, une
scène... Je me demande si tu es capable de tomber dans une
routine. C'est-à-dire tous les trois -quatre sortir un
album, faire une scène, sortir un album, faire une
scène et des clips. Mylène
Farmer : Non, parce que je pourrais dès le
prochain alum remonter sur scène. Non, je ne peux
pas me projeter dans l'avenir. Quand je pense à l'avenir, je
vois l'échec donc c'est quelque chose qui... je
préfère ne pas y penser. Et
j'y pense malgré tout ! Mais c'est pas une grande
quiétude en tout cas. Laurent Boyer : On a
l'impression qu'il y a un mal de vivre permanent chez Mylène
Farmer... Mylène
Farmer : Oh, je ne voudrais pas n'émaner que
ça, mais je... Que dire ? Oui, appelons ça le
mal de vivre. Appelons ça une incompatibilité
avec la
vie, en tout cas. Laurent Boyer : Avec les
autres, des fois ? Mylène
Farmer : Avec les autres, mais ça nous sommes tous
pareils. Laurent Boyer : L'enfer
c'est les autres, quoi ! Mylène
Farmer : Oui. Bravo ! (rires) Laurent Boyer : Je vous
en prie. Ne vous inquiétez pas, on a un
camion qui nous arrive dessus ! (on voit à
larrière plan un camion se diriger vers eux) On est vraiment
sur les lieux du
tournage de ce clip ! Y'a
même des coups de mitraillettes de temps en temps. C'est
l'apocalypse quoi ! Voilà, merci,
c'est gentil. Ne changez rien. Restez où vous
êtes. On
s'installe et on continue dans le même esprit.
Mylène, on
va regarder Désenchantée
une
autre fois... Ah, je voulais quand même
dire une chose. L'album n'est pas encore sorti, il sortira sous peu.
Par contre,
il y a une chose que tu as faite et qu'on n'attendait pas
forcément, c'est un duo avec quelqu'un, sur cet album, avec
Jean-Louis Murat. Alors là aussi, il y a une
rencontre un peu particulière. Cette rencontre est
née de
quoi : de ton désir, du sien ? Mylène
Farmer : Ça, je vais garder ça
mystérieux. Je crois que c'est né de toute
façon
d'un désir commun. Et voilà... Nous nous sommes
rencontrés et on a
décidé de chanter cette chanson ensemble. Et je
suis
très heureuse d'avoir rencontré Jean-Louis.
J'aime
beaucoup sa voix, d'abord, et j'aime surtout sa façon
d'écrire. Et c'est quelqu'un qui a réellement un
univers.
C'est pour moi - je ne sais pas s'il appréciera le
compliment,
c'en est un pour moi - c'est un poète d'aujourd'hui. C'est
quelqu'un qui me touche beaucoup. Laurent Boyer :
Mylène Farmer, Désenchantée. Diffusion
du clip Désenchantée
dans sa version intégrale. Laurent Boyer :
Désenchantée,
Mylène Farmer. On est sur le tournage de ce clip. L'album
sort le 8 avril, je vous le rappelle. Cet album s'appelle L'autre.... Le 45
tours, vous le connaissez
puisqu'on l'entend en radio, déjà, depuis le 18
mars.
Mylène, après ce tournage, après
Budapest,
ça va être quoi ? Ça va être
promotion ?
Quelques télés... Très peu,
d'après ce que
je sais. Mylène
Farmer : Très peu de télés,
oui. Laurent Boyer : Merci de
nous avoir accordé cette interview, surtout ici. Mylène
Farmer : Merci d'être venus. Laurent Boyer : Je t'en
prie. On se remercie encore ! Et
puis après, ça va être
peut-être un peu de repos,
t'occuper des animaux. Tu as toujours des animaux ? Mylène
Farmer : J'ai toujours mes deux singes. Laurent Boyer : Oui,
c'est ça. Mylène
Farmer : Et, quant au repos, non. Définitivement,
je déteste le repos et l'oisiveté. Laurent Boyer : Tu
t'ennuies ? Ça t'ennuie, le repos ? Mylène
Farmer : Oui. Je m'ennuie. Ça m'inquiète
beaucoup. Beaucoup ! Laurent Boyer :
Mylène, merci d'avoir été
avec nous. Et puis, on se retrouvera probablement prochainement. On ne
sait pas. Qui sait ? Mylène
Farmer : D'accord. Laurent Boyer : Merci.
C'était ici, à Budapest, et
elle va continuer le tournage du clip. Et il fait de plus en plus
froid, je vous l'aassure. (rires de Mylène) Ah ! Tu nous
avais parlé d'une chose, qui te passionnait me semble-t-il.
Là, tu nous as amené à Budapest, je
sais que ton
rêve, ce serait de faire un reportage sur la banquise. Mylène
Farmer : Oui, absolument. Laurent Boyer : C'est
toujours vrai ? Mylène
Farmer : C'est toujours vrai. Laurent Boyer : Je sais
pas si j'irai t'interviewer sur la
banquise ! (rires) Ça s'arrange pas ! Merci
Mylène. Mylène
Farmer : Merci. Laurent Boyer : A
bientôt. Mylène
Farmer : Au revoir.