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Mylène Farmer - Interview - Europa Plus - 03 mars 2000






Europa Plus : Elle est discrète dans la vie mais ressemble à un ouragan sur scène. Après plusieurs années de carrière, personne ne peut lui contester son statut d'artiste culte. Son culte à elle, elle l'a construit de ses propres mains. Le nom de cette personne culte qui est ici à Europa Plus, c'est Mylène Farmer, qui est pour la première fois à Moscou. Tous les entretiens, Mylène, se doivent de débuter de façon lyrique (terme utilisé dans les oeuvres de folklore russe, ndlr) : c'est une façon de dire à quelqu'un des choses agréables pour qu'il garde, après, un bon souvenir de la conversation ! Je voudrais, pour commencer, vous dire quelque chose : le genre de femme que vous incarnez est adoré et même vénéré par presque tous les moujiks russes ! Sur cette note élogieuse peut débuter notre entretien sur la meilleure station de Russie, Europa Plus.
Mylène Farmer : Lyrique ? Qu'est-ce que vous entendez par lyrique ?


Lyrique ? Lyrique par rapport à quoi ? Ah, débuter de façon lyrique ? Le lyrique, c'est du beau, c'est doux, c'est comme le début d'un grand roman où l'auteur explique à ses lecteurs qu'il a écrit ce livre pour eux parce qu'il les aime beaucoup.
Et la question, c'est qu'est-ce que j'en pense ? (Rires)


Non, c'est juste une marque de bonne volonté pour s'assurer que vous êtes d'humeur à répondre à mes questions ! Rien d'autre !
D'accord, donc ça me fait très plaisir ! Merci pour ce compliment !


Je n'ai pas été le chercher bien loin car il est vraiment sincère. Passons aux questions, maintenant. On ne peut pas ne pas aborder les questions "touristiques". Je vous en prie, ne me considérez pas comme un journaliste incompétent, je suis certain qu'on vous poserait ces questions dans n'importe quel autre pays que vous visiteriez ! Dites-nous, s'il vous plaît, ce que vous pensez de Moscou et de Saint-Pétersbourg, que vous avez déjà visité, je crois. Quelles sont vos impressions ?
Je garde un souvenir impressionnant de Saint-Pétersbourg, je suis plus sensible à son architecture. J'ai rencontré à Moscou un artiste que j'aime beaucoup, qui fait de l'animation, qui s'appelle Garri Bardine. (Garri Bardine est un réalisateur de films d'animation russe, ndlr) Je ne sais pas si vous le connaissez...


Oui, très bien ! Pour autant que je sache, ce n'est pas évident de le définir. C'est une sorte de génie créatif...
Oui, c'est phénoménal ! Ce qu'il fait est phénoménal. Donc j'ai eu la chance de le rencontrer, d'aller chez lui, de voir son lieu de travail, de rencontrer son équipe, donc c'était un moment très fort pour moi. Et puis j'aime le romantisme que peut, moi, m'évoquer ce pays, j'aime sa littérature. Voilà... Voilà ma visite du pays ! (Petit rire)


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Chère Mylène, j'ai remarqué que c'est dans l'air du temps d'utiliser le mot "millénium". Quelle est votre interprétation de ce terme dans le nom de votre spectacle ? Où faut-il en chercher l'origine ? Pour dire les choses plus clairement : pourquoi ce spectacle s'appelle "Mylenium" ?
Pour une simple et... pour la raison la plus simple, en tout cas, c'est que je pouvais, moi, m'amuser avec mon prénom, puisque "Mylène" est dans "millenium", et je trouve ce mot... sans y trouver une explication rationnelle, quelque chose d'assez joli, la sonorité du mot.


Voilà au moins une explication sincère ! D'autres que vous auraient donné des réponses si alambiquées pour qu'on ne les accuse pas de mégalomanie que je me serais endormi au bout de vingt secondes ! Vous avez répondu sincèrement, c'est un très joli mot en effet, qui correspond bien à l'époque que l'on vit et qui fait un trait d'union avec votre univers. Pour cela, encore un coup de chapeau !


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Alors, chers amis, nous sommes toujours sur la meilleure station de toute l'Europe, Europa Plus, en compagnie de Mylène Farmer. Si vous ne me croyez pas, alors vous pouvez vous en aller, et si vous me croyez, eh bien... vous pouvez être jaloux ! Passons maintenant à la question suivante. Elle m'a été inspirée par ce que j'ai lu sur vous dans la presse anticipant votre venue chez nous. Il faut dire que la presse russe, j'en frémis rien qu'en le disant, semble avoir voulu faire un concours de celui qui serait le plus piquant à votre sujet. Si on devait décerner un prix sur le sujet, il irait à ce magazine qui vous présente comme n'étant que peurs malsaines et phobies en tout genre, au bord de la folie. Voici leur gros titre : "Mylène Farmer tisse sa toile de phobies terrifiantes et de passions morbides". Que pensez-vous de cette description ? Est-ce qu'il y a une part de vérité ou bien on exécute sur place le journaliste qui a écrit ça ?
Que je sois habitée par des phobies, oui, certainement ! Maintenant, quelles sont-elles ? C'est la question ! Quelles étaient les phobies exprimées dans la presse, ça je ne le sais pas, c'est à vous de me le dire...


Vous avez peut-être la phobie des présentateurs d'Europa Plus, je ne sais pas...
Je vais vous couper tout de suite, j'ai une phobie des insectes, par exemple. Voilà ! (Rires) Soyez tranquille ! (Rires)


Ouf, j'étais prêt à quitter le studio ! J'ai lu encore quelque chose de très drôle aussi, l'occasion pour tous les russes de rigoler de leurs journalistes ! Ils ont écrit qu'un glaçon dans votre Coca-Cola vous donnait envie d'étrangler l'humanité entière !
Alors laissez ces propos aux journalistes ! Puisque je fais, de toute façon, très peu d'interviews, je crois qu'ils inventent bon nombre de mes propos !


La question suivante peut paraître stupide, mais elle se justifie du fait de vos visites très rares, qui plus est alors que vous venez donner des concerts chez nous... Est-ce vrai que le premier spectacle de votre carrière, mis en scène par Laurent Boutonnat, avait pour slogan : "Venez découvrir la Madonna française" ? Et d'une manière générale, que pensez-vous de Madonna ?
Non, là encore, ce sont des propos de journalistes ! C'est toujours très réducteur quand on parle d'une personne. Là, en l'occurrence, on fait le rapprochement d'avec Madonna... je vais essayer de faire court... parce qu'il y a une envie de danseurs sur scène, une envie de show dit à "l'américaine", c'est-à-dire vraiment avec tout ce que peut comporter l'idée du spectacle. Voilà. Quelque chose de très intimiste, je n'en ai pas encore z'envie... (elle se reprend) envie, pardon ! Voilà pourquoi ce rapprochement, j'imagine, d'avec Madonna, mais ça ne vient pas de chez nous, bien évidemment. Ce que je pense de Madonna ? Je pense qu'elle est une artiste complète, très douée, bien évidemment. Et... que puis-je dire d'autre... ?


Je pense que cette description se suffit à elle-même !


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Passons maintenant à la question suivante, en rappelant à tout le monde que nous avons la chance, sur Europa Plus, de converser avec Mylène Farmer, une invitée qui ne vient qu'une fois dans une année lumière ! Est-ce que vous pouvez nous éclairer un peu, si ce n'est pas une intrusion dans votre vie privée, sur les raisons qui vous ont motivée à déménager aux Etats-Unis alors que vous étiez en plein succès en France ?
Mais là encore, c'est une mauvaise information ! Je suis allée à Los Angeles pour enregistrer mon... (elle réfléchit) un de mes albums... j'ai oublié lequel (sic) ! ( il s'agit d'Anamorphosée en 1995 ; Innamoramento sorti en 1999 a lui aussi été enregistré aux Etats-Unis, ndlr) Et je suis restée près de huit mois là-bas. Ce n'était pas un déménagement, mais simplement la volonté que d'enregistrer, de prendre mon temps pour écrire cet album, et ça a duré un petit peu plus longtemps que prévu. Donc voilà, je n'ai jamais eu l'intention que de vivre aux Etats-Unis, en tout cas, pas encore !


Il faut vraiment que je m'excuse pour tous ces infâmes mensonges que je contribue à véhiculer ! Ceci dit, c'est peut-être aussi dû au fait que vous êtes sur vos gardes quand vous rencontrez un journaliste. Mais n'allez pas croire que je me cherche des excuses ! Tout ce que je dis là, je ne le tiens pas de tabloïds, mais de revues musicales très respectables !
Je parle peu, je parle très peu de moi, c'est le chemin que j'ai suivi, que j'ai décidé. Maintenant, oui, c'est ce pour quoi les journalistes racontent beaucoup de choses qui sont fausses, bien évidemment.


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Je vais vous donner encore une raison de pester contre mes confrères journalistes ! Certains, dont je ne partage pas l'avis, ont prétendu que vous avez volontairement repris une certaine imagerie américaine en la simplifiant, ainsi que vos arrangements. Le son est devenu plus pauvre qu'avant, moins sophistiqué. Certains considèrent que vous étiez revenue d'Amérique plus légère...
Quant au son plus pauvre, je ne suis pas sûre que ce soit un compliment, donc je ne sais pas si je vais y répondre ! (Rires) La seule chose que je puis répondre, c'est qu'on... sans parler d'évolution, parce que, j'allais dire, je me moque de l'évolution, en tout cas je n'ai pas cette revendication, si ce n'est que c'est vrai que dans la vie, on grandit, on a des choses qui traversent sa vie, et, fatalement, on change. Pour compléter la réponse, quand nous avons enregistré la première fois aux Etats-Unis, on rencontre fatalement des musiciens américains. J'avais une volonté que de mettre beaucoup plus de guitares que dans les albums précédents. Voilà, donc c'est une petite influence, peut-être américaine... mon passage en tout cas la première fois à Los Angeles.


Que dire de plus ? Dans notre pays, on a souvent répondu aux tentatives d'incursion des américains par : "Yankees, go home !"


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Votre réticence à parler aux journalistes a au moins ceci de positif, c'est que cette inaccessibilité vous profite. Mais est-ce que vous jetez un oeil tout de même à ce qui est publié à votre sujet ?
Ça m'intéresse en ce sens que dès l'instant qu'on a envie d'écrire sur moi, pour dire du bien ou pour dire du mal, je crois que c'est important que de lire, au moins pour apprendre des choses, même si elles sont erronées ! (Rires) Maintenant, je préfère avoir une distance et garder cette distance d'avec les propos qu'on peut avoir à mon sujet, sinon on se laisse trop abîmer par ça. Mais on est en train de faire une guerre ouverte aux journalistes, et je n'ai rien contre eux, a priori ! (Rires)


C'est sans fin ! Voilà d'ailleurs une citation qu'on pourrait reprendre pour vous faire dire n'importe quoi !
C'est une affaire personnelle ? (Rires)


Il y a une autre citation qui m'a troublé, car, à l'évidence je ne suis pas homosexuel, et même si je l'étais, je serais quand même tombé fou amoureux de vous pendant ce petit moment que nous partageons... Bref, j'ai été choqué de lire ce gros titre sur un journal : "Mylène Farmer est une femme qui se passe très bien des hommes". Mais c'est un cauchemar ? Est-ce que c'est vrai ?
Si ce cauchemar est vrai ? Bien sûr que non ! D'abord, j'ai avant tout besoin de l'autre en général, qu'il soit féminin ou masculin. Et pour répondre à votre question, je n'ai absolument rien contre les hommes, non !


C'est gentil de laisser croire aux Géorgiens que tout n'est pas si mal dans leur presse. Merci pour eux ! Tous les Géorgiens qui écoutent Europa Plus, Mylène Farmer est avec vous !


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Nous sommes limités dans le temps, malheureusement. Je voulais savoir pourquoi vous avez voulu tout faire toute seule dans votre spectacle Mylenium. J'ai lu en effet que vous avez refusé les services des metteurs en scène les plus inventifs, de maquilleurs, de stylistes. Du coup, on a dit qu'en refusant de travailler avec tant de gens confirmés, c'est parce que vous n'aviez pas confiance en eux et que vous étiez trop sûre de vous...
Mais c'est totalement faux ! D'abord, je n'ai décliné absolument aucune proposition. Là, j'avoue que, oui, ça devient très étrange, mais... J'ai décidé de monter ce spectacle et j'ai fait appel à bon nombre de personnes, que ce soit une costumière de grand talent qui travaille beaucoup pour  le cinéma, (Dominique Borg, ndlr) j'ai fait appel à un décorateur de grand talent également qui travaille beaucoup pour l'opéra et le cinéma également, et le théâtre, (Guy- Claude François, ndlr) et puis en ce qui concerne la mise en scène, j'étais accompagnée d'une personne qui m'est chère et qui m'a aidée, justement, à monter toute la dramaturgie de ce spectacle. (Mylène parle ici de François Hanss, non crédité pour la mise en scène ni dans le programme du spectacle, ni dans le livret des supports CD et vidéo, mais que Mylène remercia sur scène pour sa collaboration lors de la dernière date française de la tournée, le 26 février 2000, à Orléans, ndlr)


C'est fou le nombre de choses fausses ou incorrectes qu'on peut écrire sur vous, je le réalise avec vous ! J'ai bien envie d'aller mettre des coups de poing à tous ces gens qui racontent n'importe quoi, moi !


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Je voulais vous dire qu'à mon avis, vous êtes plus une chanteuse de cinéma qu'autre chose. Qu'est-ce qui a le plus d'importance pour vous ? Concevoir un spectacle ou bien un clip ?
Quand vous parlez du cinéma, c'est les clips ? Oui ? Je crois que, pour moi en tout cas, tout est important, fondamental. Je n'ai pas pu concevoir de faire ce métier sans la musique, les mots sont très importants, l'image est très importante. J'aime faire ce métier de cette façon.


Merci beaucoup, Mylène Farmer, de la part de toute l'équipe d'Europa Plus. Bon succès, bon courage et bon concert à l'Olympski !
Merci beaucoup ! Merci infiniment !


Source retranscription : Styx Magazine spécial Mylène Farmer - Référentiel des radios - Editions Sunset Publishing - 2013

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