Europa Plus : Elle est
discrète dans la vie mais ressemble à un ouragan
sur scène. Après plusieurs années de
carrière, personne ne peut lui contester son statut
d'artiste culte. Son culte à elle, elle l'a construit de ses
propres mains. Le nom de cette personne culte qui est ici à
Europa Plus, c'est Mylène Farmer, qui est pour la
première fois à Moscou. Tous les entretiens,
Mylène, se doivent de débuter de façon
lyrique (terme utilisé dans les oeuvres de folklore russe,
ndlr) : c'est une façon de dire à quelqu'un des
choses agréables pour qu'il garde, après, un bon
souvenir de la conversation ! Je voudrais, pour commencer, vous dire
quelque chose : le genre de femme que vous incarnez est
adoré et même
vénéré par presque tous les moujiks
russes ! Sur cette note élogieuse peut débuter
notre entretien sur la meilleure station de Russie, Europa Plus.
Mylène Farmer : Lyrique ? Qu'est-ce que vous entendez par
lyrique ?
Lyrique ? Lyrique
par rapport à quoi ? Ah, débuter de
façon lyrique ? Le lyrique, c'est du beau, c'est doux, c'est
comme le début d'un grand roman où l'auteur
explique à ses lecteurs qu'il a écrit ce livre
pour eux parce qu'il les aime beaucoup.
Et la question, c'est qu'est-ce que j'en pense ? (Rires)
Non, c'est juste
une marque de bonne volonté pour s'assurer que vous
êtes d'humeur à répondre à
mes questions ! Rien d'autre !
D'accord, donc ça me fait très plaisir ! Merci
pour ce compliment !
Je n'ai pas
été le chercher bien loin car il est vraiment
sincère. Passons aux questions, maintenant. On ne peut pas
ne pas aborder les questions "touristiques". Je vous en prie, ne me
considérez pas comme un journaliste incompétent,
je suis certain qu'on vous poserait ces questions dans n'importe quel
autre pays que vous visiteriez ! Dites-nous, s'il vous plaît,
ce que vous pensez de Moscou et de Saint-Pétersbourg, que
vous avez déjà visité, je crois.
Quelles sont vos impressions ?
Je garde un souvenir impressionnant de Saint-Pétersbourg, je
suis plus sensible à son architecture. J'ai
rencontré à Moscou un artiste que j'aime
beaucoup, qui fait de l'animation, qui s'appelle Garri Bardine. (Garri
Bardine est un réalisateur de films d'animation russe, ndlr)
Je ne sais pas si vous le connaissez...
Oui,
très bien ! Pour autant que je sache, ce n'est pas
évident de le définir. C'est une sorte de
génie créatif...
Oui, c'est phénoménal ! Ce qu'il fait est
phénoménal. Donc j'ai eu la chance de le
rencontrer, d'aller chez lui, de voir son lieu de travail, de
rencontrer son équipe, donc c'était un moment
très fort pour moi. Et puis j'aime le romantisme que peut,
moi, m'évoquer ce pays, j'aime sa littérature.
Voilà... Voilà ma visite du pays ! (Petit rire)
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Chère
Mylène, j'ai remarqué que c'est dans l'air du
temps d'utiliser le mot "millénium". Quelle est votre
interprétation de ce terme dans le nom de votre spectacle ?
Où faut-il en chercher l'origine ? Pour dire les choses plus
clairement : pourquoi ce spectacle s'appelle "Mylenium" ?
Pour une simple et... pour la raison la plus simple, en tout cas, c'est
que je pouvais, moi, m'amuser avec mon prénom, puisque
"Mylène" est dans "millenium", et je trouve ce mot... sans y
trouver une explication rationnelle, quelque chose d'assez joli, la
sonorité du mot.
Voilà au
moins une explication sincère ! D'autres que vous auraient
donné des réponses si alambiquées pour
qu'on ne les accuse pas de mégalomanie que je me serais
endormi au bout de vingt secondes ! Vous avez répondu
sincèrement, c'est un très joli mot en effet, qui
correspond bien à l'époque que l'on vit et qui
fait un trait d'union avec votre univers. Pour cela, encore un coup de
chapeau !
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Alors, chers amis,
nous sommes toujours sur la meilleure station de toute l'Europe, Europa
Plus, en compagnie de Mylène Farmer. Si vous ne me croyez
pas, alors vous pouvez vous en aller, et si vous me croyez, eh bien...
vous pouvez être jaloux ! Passons maintenant à la
question suivante. Elle m'a été
inspirée par ce que j'ai lu sur vous dans la presse
anticipant votre venue chez nous. Il faut dire que la presse russe,
j'en frémis rien qu'en le disant, semble avoir voulu faire
un concours de celui qui serait le plus piquant à votre
sujet. Si on devait décerner un prix sur le sujet, il irait
à ce magazine qui vous présente comme
n'étant que peurs malsaines et phobies en tout genre, au
bord de la folie. Voici leur gros titre : "Mylène Farmer
tisse sa toile de phobies terrifiantes et de passions morbides". Que
pensez-vous de cette description ? Est-ce qu'il y a une part de
vérité ou bien on exécute sur place le
journaliste qui a écrit ça ?
Que je sois habitée par des phobies, oui, certainement !
Maintenant, quelles sont-elles ? C'est la question ! Quelles
étaient les phobies exprimées dans la presse,
ça je ne le sais pas, c'est à vous de me le
dire...
Vous avez
peut-être la phobie des présentateurs d'Europa
Plus, je ne sais pas...
Je vais vous couper tout de suite, j'ai une phobie des insectes, par
exemple. Voilà ! (Rires) Soyez tranquille ! (Rires)
Ouf,
j'étais prêt à quitter le studio ! J'ai
lu encore quelque chose de très drôle aussi,
l'occasion pour tous les russes de rigoler de leurs journalistes ! Ils
ont écrit qu'un glaçon dans votre Coca-Cola vous
donnait envie d'étrangler l'humanité
entière !
Alors laissez ces propos aux journalistes ! Puisque je fais, de toute
façon, très peu d'interviews, je crois qu'ils
inventent bon nombre de mes propos !
La question
suivante peut paraître stupide, mais elle se justifie du fait
de vos visites très rares, qui plus est alors que vous venez
donner des concerts chez nous... Est-ce vrai que le premier spectacle
de votre carrière, mis en scène par Laurent
Boutonnat, avait pour slogan : "Venez découvrir la Madonna
française" ? Et d'une manière
générale, que pensez-vous de Madonna ?
Non, là encore, ce sont des propos de journalistes ! C'est
toujours très réducteur quand on parle d'une
personne. Là, en l'occurrence, on fait le rapprochement
d'avec Madonna... je vais essayer de faire court... parce qu'il y a une
envie de danseurs sur scène, une envie de show dit
à "l'américaine", c'est-à-dire
vraiment avec tout ce que peut comporter l'idée du
spectacle. Voilà. Quelque chose de très
intimiste, je n'en ai pas encore z'envie... (elle se reprend) envie,
pardon ! Voilà pourquoi ce rapprochement, j'imagine, d'avec
Madonna, mais ça ne vient pas de chez nous, bien
évidemment. Ce que je pense de Madonna ? Je pense qu'elle
est une artiste complète, très douée,
bien évidemment. Et... que puis-je dire d'autre... ?
Je pense que cette
description se suffit à elle-même !
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Passons maintenant
à la question suivante, en rappelant à tout le
monde que nous avons la chance, sur Europa Plus, de converser avec
Mylène Farmer, une invitée qui ne vient qu'une
fois dans une année lumière ! Est-ce que vous
pouvez nous éclairer un peu, si ce n'est pas une intrusion
dans votre vie privée, sur les raisons qui vous ont
motivée à déménager aux
Etats-Unis alors que vous étiez en plein succès
en France ?
Mais là encore, c'est une mauvaise information ! Je suis
allée à Los Angeles pour enregistrer mon... (elle
réfléchit) un de mes albums... j'ai
oublié lequel (sic) ! ( il s'agit d'Anamorphosée
en 1995 ; Innamoramento
sorti en 1999 a lui aussi été
enregistré aux Etats-Unis, ndlr) Et je suis
restée près de huit mois là-bas. Ce
n'était pas un déménagement, mais
simplement la volonté que d'enregistrer, de prendre mon
temps pour écrire cet album, et ça a
duré un petit peu plus longtemps que prévu. Donc
voilà, je n'ai jamais eu l'intention que de vivre aux
Etats-Unis, en tout cas, pas encore !
Il faut vraiment
que je m'excuse pour tous ces infâmes mensonges que je
contribue à véhiculer ! Ceci dit, c'est
peut-être aussi dû au fait que vous êtes
sur vos gardes quand vous rencontrez un journaliste. Mais n'allez pas
croire que je me cherche des excuses ! Tout ce que je dis
là, je ne le tiens pas de tabloïds, mais de revues
musicales très respectables !
Je parle peu, je parle très peu de moi, c'est le chemin que
j'ai suivi, que j'ai décidé. Maintenant, oui,
c'est ce pour quoi les journalistes racontent beaucoup de choses qui
sont fausses, bien évidemment.
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Je vais vous donner
encore une raison de pester contre mes confrères
journalistes ! Certains, dont je ne partage pas l'avis, ont
prétendu que vous avez volontairement repris une certaine
imagerie américaine en la simplifiant, ainsi que vos
arrangements. Le son est devenu plus pauvre qu'avant, moins
sophistiqué. Certains considèrent que vous
étiez revenue d'Amérique plus
légère...
Quant au son plus pauvre, je ne suis pas sûre que ce soit un
compliment, donc je ne sais pas si je vais y répondre !
(Rires) La seule chose que je puis répondre, c'est qu'on...
sans parler d'évolution, parce que, j'allais dire, je me
moque de l'évolution, en tout cas je n'ai pas cette
revendication, si ce n'est que c'est vrai que dans la vie, on grandit,
on a des choses qui traversent sa vie, et, fatalement, on change. Pour
compléter la réponse, quand nous avons
enregistré la première fois aux Etats-Unis, on
rencontre fatalement des musiciens américains. J'avais une
volonté que de mettre beaucoup plus de guitares que dans les
albums précédents. Voilà, donc c'est
une petite influence, peut-être américaine... mon
passage en tout cas la première fois à Los
Angeles.
Que dire de plus ?
Dans notre pays, on a souvent répondu aux tentatives
d'incursion des américains par : "Yankees, go home !"
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Votre
réticence à parler aux journalistes a au moins
ceci de positif, c'est que cette inaccessibilité vous
profite. Mais est-ce que vous jetez un oeil tout de même
à ce qui est publié à votre sujet ?
Ça m'intéresse en ce sens que dès
l'instant qu'on a envie d'écrire sur moi, pour dire du bien
ou pour dire du mal, je crois que c'est important que de lire, au moins
pour apprendre des choses, même si elles sont
erronées ! (Rires) Maintenant, je
préfère avoir une distance et garder cette
distance d'avec les propos qu'on peut avoir à mon sujet,
sinon on se laisse trop abîmer par ça. Mais on est
en train de faire une guerre ouverte aux journalistes, et je n'ai rien
contre eux, a priori ! (Rires)
C'est sans fin !
Voilà d'ailleurs une citation qu'on pourrait reprendre pour
vous faire dire n'importe quoi !
C'est une affaire personnelle ? (Rires)
Il y a une autre
citation qui m'a troublé, car, à
l'évidence je ne suis pas homosexuel, et même si
je l'étais, je serais quand même tombé
fou amoureux de vous pendant ce petit moment que nous partageons...
Bref, j'ai été choqué de lire ce gros
titre sur un journal : "Mylène Farmer est une femme qui se
passe très bien des hommes". Mais c'est un cauchemar ?
Est-ce que c'est vrai ?
Si ce cauchemar est vrai ? Bien sûr que non ! D'abord, j'ai
avant tout besoin de l'autre en général, qu'il
soit féminin ou masculin. Et pour répondre
à votre question, je n'ai absolument rien contre les hommes,
non !
C'est gentil de
laisser croire aux Géorgiens que tout n'est pas si mal dans
leur presse. Merci pour eux ! Tous les Géorgiens qui
écoutent Europa Plus, Mylène Farmer est avec vous
!
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Nous sommes
limités dans le temps, malheureusement. Je voulais savoir
pourquoi vous avez voulu tout faire toute seule dans votre spectacle Mylenium. J'ai lu
en effet que vous avez refusé les services des metteurs en
scène les plus inventifs, de maquilleurs, de stylistes. Du
coup, on a dit qu'en refusant de travailler avec tant de gens
confirmés, c'est parce que vous n'aviez pas confiance en eux
et que vous étiez trop sûre de vous...
Mais c'est totalement faux ! D'abord, je n'ai
décliné absolument aucune proposition.
Là, j'avoue que, oui, ça devient très
étrange, mais... J'ai décidé de monter
ce spectacle et j'ai fait appel à bon nombre de personnes,
que ce soit une costumière de grand talent qui travaille
beaucoup pour le cinéma, (Dominique Borg, ndlr)
j'ai fait appel à un décorateur de grand talent
également qui travaille beaucoup pour l'opéra et
le cinéma également, et le
théâtre, (Guy- Claude François, ndlr)
et puis en ce qui concerne la mise en scène,
j'étais accompagnée d'une personne qui m'est
chère et qui m'a aidée, justement, à
monter toute la dramaturgie de ce spectacle. (Mylène parle
ici de François Hanss, non crédité
pour la mise en scène ni dans le programme du spectacle, ni
dans le livret des supports CD et vidéo, mais que
Mylène remercia sur scène pour sa collaboration
lors de la dernière date française de la
tournée, le 26 février 2000, à
Orléans, ndlr)
C'est fou le nombre
de choses fausses ou incorrectes qu'on peut écrire sur vous,
je le réalise avec vous ! J'ai bien envie d'aller mettre des
coups de poing à tous ces gens qui racontent n'importe quoi,
moi !
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Je voulais vous
dire qu'à mon avis, vous êtes plus une chanteuse
de cinéma qu'autre chose. Qu'est-ce qui a le plus
d'importance pour vous ? Concevoir un spectacle ou bien un clip ?
Quand vous parlez du cinéma, c'est les clips ? Oui ? Je
crois que, pour moi en tout cas, tout est important, fondamental. Je
n'ai pas pu concevoir de faire ce métier sans la musique,
les mots sont très importants, l'image est très
importante. J'aime faire ce métier de cette façon.
Merci beaucoup,
Mylène Farmer, de la part de toute l'équipe
d'Europa Plus. Bon succès, bon courage et bon concert
à l'Olympski !
Merci beaucoup ! Merci infiniment !